Poser le diagnostic d’une atteinte cardiaque par l’auscultation est une compétence importante difficile à acquérir. Les nouvelles approches d’enseignement se concentrent surtout sur l’entraînement de la discrimination auditive. Or, de récentes études effectuées à l’aide de l’imagerie cérébrale sur les effets de l’entraînement à la reconnaissance des sons suggèrent que ce n’est pas l’encodage des caractéristiques acoustiques, mais celui de la signification des sons qui pourrait jouer un rôle primordial.
Les résultats de ces travaux menés par Rosanna De Meo, alors doctorante dans le groupe de Stephanie Clarke, professeure ordinaire à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et médecin cheffe du Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation du CHUV, sont publiés dans l’édition du 11 juillet 2016 de la revue Current Biology.
«Des étudiants de quatrième année de médecine de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL ont participé à notre étude durant laquelle nous avons enregistré les potentiels évoqués lors d’une tâche de discrimination de bruits cardiaques comprenant quatre conditions différentes. Nous avons ensuite comparé ces potentiels évoqués associés aux séquences correctement, versus incorrectement, diagnostiquées par les sujets», détaille Rosanna De Meo.
Renforcer le lien entre perception sonore et signification
Selon l’hypothèse émise, si la discrimination purement auditive est critique pour l’auscultation, une différence d’activité devrait être observée au niveau du cortex auditif. En revanche, si l’accès à la signification des sons est critique, une activation différentielle devrait être observée au niveau des représentations sémantiques. «Nos résultats indiquent que l’encodage sémantique, c’est-à-dire le lien entre la signification et la perception auditive, fait le succès de l’auscultation. Ainsi, pour rendre les étudiants experts en auscultation, il faut avant tout leur donner de solides bases en cardiologie lors de l’apprentissage de l’auscultation afin qu’ils puissent renforcer le lien entre la perception sonore et sa signification», poursuit la neuroscientifique.
La recherche menée par l’équipe de la Prof. Clarke s’inscrit dans le cadre d’un subside du Fond national suisse de la recherche scientifique (FNS) qui vise à définir l’organisation des systèmes experts au niveau neuronal. «Leur compréhension est d’un grand intérêt d’un point de vue non seulement conceptuel, mais aussi pratique», souligne la Prof. Clarke. En effet, d’autres domaines dans lesquels des différences subtiles entre stimuli complexes doivent être interprétées dans un contexte sémantique riche, par exemple le diagnostic des images radiologiques ou le réapprentissage de la compréhension de la parole par des porteurs de prothèses cochléaires, pourraient bénéficier des mêmes approches. «De plus, nos résultats indiquent que le contexte sémantique pourrait favoriser la réhabilitation de certaines fonctions cognitives suite à des lésions cérébrales», conclut la professeure.