200 000 hospitalisations évitées grâce aux mesures en Italie

- EN- FR
 (Bild: Pixabay CC0)
(Bild: Pixabay CC0)

Des chercheurs ont modélisé les effets de mesures de confinement et les changements de comportement social imposés en Italie pour lutter contre le Coronavirus. Les données indiquent qu’en mars, la contagion avait déjà diminué de 45 %. Ce modèle va permettre d’analyser les futurs scénarios possibles.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les restrictions à la mobilité et aux interactions humaines décidées par le gouvernement italien pour leur population ont permis d’éviter l’hospitalisation d’au moins 200 000 personnes. Ces mesures ont également fait progressivement diminuer le taux de transmission de 45 %. Tels sont les résultats d’une étude récemment publiée dans la revue PNAS et signée par le professeur Andrea Rinaldo, responsable du Laboratoire d’écohydrologie (ECHO) de l’EPFL et des scientifiques venant de l’Ecole polytechnique de Milan, de l’Université de Ca’ Foscari de Venise, de l’Université de Zurich et de l’Université de Padoue.

«Nos résultats démontrent que les mesures drastiques prises par le gouvernement italien ont eu un effet décisif et ont permis d’éviter l’effondrement de l’infrastructure médicale du pays», affirment les auteurs.

Légende: Ce graphique indique le nombre d’hospitalisations attendu selon différents scénarios. Le scénario de référence correspond à la propagation de l’épidémie avec toutes les mesures restrictives effectivement mises en place. Le scénario A avec celles de février uniquement et le scénario B sans aucune mesure. Les cartes montrent l’augmentation des hospitalisations attendue dans les différentes provinces italiennes par rapport au scénario de base. / M. Gatto et al., PNAS, 2020

Modélisation mathématique

Pour réaliser cette étude, les scientifiques ont créé une modélisation du développement de la l’épidémie COVID-19 en Italie - qui est depuis devenue une pandémie vu sa propagation dans le monde entier. Leur modèle prend en compte le nombre de personnes hospitalisées à cause du coronavirus et le nombre de décès signalés entre le début de l’épidémie et la date arbitraire du 25 mars. S’ajoute à cela, leur répartition géographique parmi les 107 provinces italiennes - le niveau de détail le plus précis disponible. Ce paramètre est l’élément important et novateur de cette étude.

Le modèle intègre un facteur de mobilité donné par les déplacements des individus. Cette donnée a été obtenue en utilisant les recensements de l’Institut national de statistiques pour estimer la mobilité avant l’épidémie et une étude indépendante qui a exploité la géolocalisation des téléphones portables pour comprendre dans quelle mesure la mobilité avait été réduite avec les restrictions imposées.

La carte de l’épidémie qui en résulte a ensuite été comparée avec le développement réel de l’épidémie, ce qui a permis de constater une grande précision du modèle mathématique. Les chercheurs ont alors étudié les effets des premières mesures mises en place.

Légende: La carte de gauche montre la propagation de l’épidémie telle qu’elle a été simulée par le modèle à l’échelle municipale. Les cartes au centre et à droite montrent la comparaison entre la géographie de l’épidémie à l’échelle provinciale telle que simulée par le modèle (centre) et observée dans les données (droite). / M. Gatto et al., PNAS, 2020

Grâce à leur modélisation, les chercheurs ont également estimé que 600 000 personnes ont été infectées par le coronavirus en Italie - sans forcément avoir présenté de symptômes. Le décompte officiel des infections confirmées est de 74 386.

Les personnes infectées mais ne présentant pas de symptômes sont apparues comme un vecteur important de l’épidémie. En conséquence, les chercheurs affirment la nécessité de procéder à des campagnes de dépistages massives pour identifier et isoler les individus infectieux pré-symptomatiques. Ils suggèrent également que l’amélioration du et des restrictions ciblées géographiquement pourraient permettre d’arrêter la propagation de l’épidémie tout en limitant les perturbations sociales et économiques.

Stratégies d’intervention

Au bénéfice d’une bourse du Conseil européen de la recherche Advanced grant, le professeur Andrea Rinaldo de l’EPFL a plus de 10 ans d’expérience dans la modélisation d’épidémie, en particulier du choléra et d’autres maladies liées à l’eau. Des résultats de ses précédentes recherches ont notamment été utilisés par l’Organisation mondiale de la santé et Médecins sans frontières pour développer des stratégies d’intervention visant à limiter la propagation de ces maladies.

Pour réaliser cette étude dédiée au COVID-19 dans les plus brefs délais, le professeur a contacté des experts ayant tous précédemment travaillé dans son laboratoire. «Du jour au lendemain, j’ai recruté d’anciens doctorants et post-doctorant ainsi qu’un professeur invité. Ensemble, nous avons pu réadapter des technologies que nous connaissions déjà et développer ce modèle au plus vite, indique-t-il. Cette publication est une première étape. Elle démontre que ce modèle est une base scientifique solide pour la planification d’urgence. Nous allons maintenant l’utiliser pour analyser les futurs scénarios.»

Mesures prises en Italie

21 février : Le premier cas de COVID-19 confirmé en Lombardie.

23 février : Dix villes de Lombardie et une de Vénétie, identifiées comme foyers d’infection, sont mises en confinement. Fermeture des entreprises et des établissements scolaires de ces zones ainsi que l’annulation des événements publics.

8 mars : Toute la Lombardie et 15 provinces du nord de l’Italie entrent en confinement. Le reste du pays met en oeuvre des mesures de distanciation sociale. Un projet de loi mettant en oeuvre ces mesures fuite dans les médias, ce qui provoque une réaction de panique chez certaines personnes qui quittent le nord de l’Italie pour d’autres régions du pays.

11 mars : Extension de la zone de confinement. Fortes limitations de la mobilité pour l’ensemble de l’Italie.

Références

Spread and dynamics of the COVID-19 epidemic in Italy: Effects of emergency containment measures. Marino Gattoa, Enrico Bertuzzo, Lorenzo Mari, Stefano Miccoli, Luca Carraro, Renato Casagrandi and Andrea Rinaldo. PNAS, 23 April 2020. DOI: 10.1073/pnas.2004978117