En confirmant le lien entre la capacité cardiorespiratoire des enfants et leurs résultats scolaires, des chercheurs/euses de l’Université de Genève soulignent l’importance des cours d’éducation physique à l’école.
De récentes études indiquent l’existence d’un lien entre la capacité cardiorespiratoire des enfants et leurs résultats scolaires: plus ils et elles sont en bonne forme physique, meilleures sont leurs notes dans les branches principales - français et mathématique. De même, la capacité cardiorespiratoire influencerait les capacités cognitives, comme par exemple la mémoire et l’attention. Mais quelle est l’influence réelle des aptitudes physiques sur les résultats scolaires’ Pour répondre à cette question, des chercheurs/euses de l’Université de Genève (UNIGE) ont fait passer des tests aux élèves de huit établissements genevois. Leurs résultats, à lire dans la revue Medicine & Science in Sport & Exercice, démontrent qu’il s’agit d’un lien indirect, la capacité cardiorespiratoire agissant sur les capacités cognitives qui influencent à leur tour les résultats scolaires.
Charles Hillman, professeur à l’Université Northeastern de Boston et co-auteur de cette étude, a suggéré dans des recherches précédentes l’existence d’un lien entre les capacités cardiorespiratoires des enfants et leurs résultats scolaires d’une part, et d’autre part entre les capacités cardiorespiratoires et les fonctions exécutives. «Il y a trois fonctions exécutives principales, précise Marc Yangüez, chercheur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’Université de Genève et premier auteur de l’étude. La première est l’inhibition, soit notre capacité à inhiber des comportements ou pensées intrusives. La deuxième est la flexibilité cognitive, qui est notre aptitude à passer d’une tâche à l’autre avec le minimum de coût cognitif possible. Enfin, la troisième est la mémoire de travail, c’est-à-dire notre faculté à maintenir ou manipuler de l’information en mémoire vive.»
Pourtant, ce lien entre capacités cardiorespiratoires et scolaires ne semble a priori pas évident. C’est pourquoi des chercheurs/euses de l’Université de Genève ont voulu l’analyser et observer de quelle manière l’une influait sur l’autre et si un processus cognitif y jouait un rôle prépondérant.
Tester les capacités physiques et cognitives des élèves genevois
L’équipe genevoise s’est associée à huit établissements scolaires du canton de Genève, afin de faire passer des tests cognitifs et un test physique à 193 élèves âgé-es de 8 à 12 ans. Tout d’abord, les enfants ont effectué un test physique dit «test-navette»: les enfants doivent faire des allers-retours entre deux lignes distantes de 20 mètres en respectant un rythme de plus en plus rapide. «Combiné à la taille, au poids, à l’âge et au sexe, ce test nous permet d’évaluer les capacités cardiorespiratoires de l’enfant», relève Marc Yangüez. «Suite à cela, nous avons mis au point 9 tâches qui permettent d’évaluer les aptitudes des enfants dans les trois fonctions exécutives principales - l’inhibition, la flexibilité cognitive et la mémoire de travail - et nous avons mesuré différents indicateurs tels que la précision et la vitesse de leurs réponses», explique Julien Chanal, chercheur à la FPSE de l’Université de Genève. Par exemple, un des tests de capacité d’inhibition présente aux élèves des images de poissons qui nagent. Le poisson central peut nager soit dans la même direction que les autres, soit dans la direction opposée. Les élèves doivent indiquer le plus vite et le plus correctement possible dans quelle direction nage le poisson central alors que l’image ne leur est montrée que 200 millisecondes. Pour mesurer la flexibilité cognitive, on demande notamment aux élèves de relier dans l’ordre croissant des nombres et des lettres (1-A-2-B-3-C, etc.). Dans un des tests de mémoire de travail, les élèves doivent mémoriser une suite de chiffres, comme 2 6 4 9 7 puis les redire dans l’autre sens. Par ailleurs, à la fin de l’année, les enseignant-es, avec l’accord des parents, ont transmis les notes des élèves sur les trois trimestres de l’année en mathématique, français 1 (compréhension et expression de texte) et français 2 (grammaire, orthographe et vocabulaire).
Un lien indirect entre la capacité cardiorespiratoire et les résultats scolaires
En combinant les données obtenues, les psychologues ont en effet constaté qu’il y avait un lien entre de bonnes capacités cardiorespiratoires et de bonnes notes en mathématique et français 2. «Le français 1 est sans doute moins directement concerné, car l’évaluation du texte et de la rédaction dépendent de facteurs plus subjectifs, ce qui est moins le cas des mathématiques ou de la grammaire, pour lesquelles les réponses justes ou fausses sont peu empreintes de subjectivité», précise Marc Yangüez. En plus de l’existence d’un lien entre capacités cardiorespiratoires et résultats scolaires, les données obtenues confirment aussi un lien entre les capacités cardiorespiratoires et les fonctions exécutives. Mais une bonne capacité cardiorespiratoire agit-elle directement sur les résultats scolaires ou à travers les fonctions exécutives’
«En décomposant ces effets via un modèle statistique de médiation, nous avons établi que le lien entre la capacité cardiorespiratoire et les résultats scolaires était indirect. En fait, la capacité cardiorespiratoire est en lien avec de meilleures capacités exécutives, et ce sont bel et bien les capacités exécutives qui influent sur les résultats scolaires, plus particulièrement la flexibilité cognitive», souligne Julien Chanal.
Des résultats importants pour la planification de l’éducation physique à l’école
Les résultats de cette étude sont importants pour l’organisation du planning scolaire. «En démontrant le lien entre des capacités physiques, comme la capacité cardiorespiratoire, les capacités cognitives et les notes, on souligne l’importance de ne pas diminuer l’activité physique (et notamment les heures d’éducation physique) au profit d’autres matières, car cela pourrait finalement avoir un impact négatif sur le développement de l’enfant pris dans sa globalité», appuie Marc Yangüez. Cette étude met aussi à mal le fait de contraindre un-e enfant à étudier toujours plus à son bureau pour réussir à l’école, le privant d’exercice physique. Enfin, et ce d’autant plus en temps de pandémie, les psychologues genevois relèvent l’importance de ne pas priver les enfants de mouvement, ce qui nuirait tant à leur santé physique qu’à leurs capacités cognitives. «Nous aimerions à présent pouvoir mener une étude d’intervention dans des écoles de différents régions de la Suisse, afin de prouver à grande échelle que lorsque l’activité physique hebdomadaire des enfants augmente, cela a un impact positif sur le développement des fonctions exécutives, entrainant une amélioration significative des résultats scolaires», conclut Julien Chanal.
30 mars 2021