Les individus souffrant du syndrome de l’X fragile, une forme de trouble intellectuel héréditaire rare, auraient moins de risque de développer un glioblastome, le type de cancer cérébral le plus fréquent chez l’adulte. Telle est la conclusion d’une étude menée par le Département des neurosciences fondamentales de l’UNIL, en collaboration avec des scientifiques italiens. Leurs résultats sont à découvrir dans la revue «Cell Death and Disease».
D’origine génétique, le syndrome de l’X fragile se traduit par un déficit intellectuel, des troubles du comportement et, dans certains cas, des anomalies physiques. Son appellation fait référence à une altération génétique présente sur le chromosome sexuel X, plus précisément au niveau du gène FMR1 qui code pour une protéine baptisée Fragile X Messenger Ribonucleoprotein 1 ou FMRP. Cette dernière possède de nombreuses fonctions qui contribuent au bon fonctionnement de l’organisme. Présente dans tous les organes et enrichie dans le cerveau, elle est, entre autres, essentielle au développement cognitif en assurant la formation de structures appelées synapses, lesquelles garantissent une connexion correcte des cellules nerveuses entre elles.
Chez les personnes atteintes du syndrome de l’X fragile, la protéine FMRP est absente ou mutée, ce qui explique leurs capacités intellectuelles et physiques différentes, avec notamment des difficultés d’apprentissage et de langage, ainsi qu’une flexibilité mentale réduite. Un manque ou une défaillance de cette molécule pourrait toutefois s’avérer dans certains cas bénéfique, comme le démontre une récente publication dans Cell Death and Disease, codirigée par Claudia Bagni , professeure ordinaire au Département des neurosciences fondamentales et vice-Doyenne recherche & innovation à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne.
Une diversité protectrice
Plusieurs études indiquent que FMRP est impliquée dans de nombreuses sortes de cancers. Alors que son rôle dans le fonctionnement et le développement du cerveau a été abondamment investigué, son implication dans la biologie des tumeurs cérébrales demeure largement inexplorée. L’équipe de la neuroscientifique lausannoise, en collaboration avec différents groupes de recherche basés en Italie, s’est donné pour objectif de mieux comprendre le lien entre syndrome de l’X fragile et glioblastome, l’une des formes les plus courantes de cancer cérébral chez l’adulte. A la clé, des résultats surprenants.
’Grâce à nos travaux, nous avons pu démontrer sur des biopsies de glioblastome humain qu’une expression accrue de FMRP est directement corrélée avec une issue très défavorable pour le patient. A l’inverse, une réduction des niveaux de FMRP a pour effet une diminution de la croissance tumorale et de la prolifération des cellules tumorales in vitro dans un modèle de culture cellulaire, rapporte Claudia Bagni. Les observations faites in vivo sont assez frappantes : dans un modèle de mammifère, les cellules tumorales dépourvues de la protéine FMRP et greffées dans le cerveau se développent moins vite que les cellules tumorales de contrôle.’ Ces différents résultats confirment que des quantités plus élevées de FMRP favorisent la progression du glioblastome.
Qu’en est-il, alors, des individus porteurs du syndrome de l’X fragile, dont la protéine FMRP est altérée, voire fait défaut ? ’Notre groupe et d'autres ont montré, pour divers types de cancer, une corrélation similaire entre les niveaux de FMRP et l'agressivité du cancer. Nos résultats suggèrent ainsi que les patients porteurs du syndrome de l'X fragile ont un risque diminué de développer un cancer du cerveau’, poursuit la professeure.
En d’autres termes, cette nouvelle étude ouvre la voie à une fonction inédite de FMRP dans le cerveau et démontre un mécanisme moléculaire de ’protection’ contre le glioblastome. ’Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour mettre au point une thérapie possible basée sur l'inactivation partielle de FMRP afin d'améliorer ou de traiter certains types de cancers humains’, conclut Claudia Bagni.
L’X fragile, bouclier contre le cancer du cerveau
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