Les mésanges charbonnières mâles qui sont nourries commencent à chanter plus tard le matin. Ils modifient ainsi leur comportement territorial - ce qui pourrait avoir des répercussions sur leur succès de reproduction. Bien qu’environ la moitié de la population nourrisse des oiseaux en liberté en hiver, les effets sur le comportement des animaux ont été peu étudiés jusqu’à présent.
Lorsque les jours commencent à rallonger à partir de Noël, les premières mésanges charbonnières commencent à chanter, et seulement les mâles, comme c’est le cas pour les espèces d’oiseaux chanteurs indigènes. Le printemps et la période de reproduction sont encore loin, mais les animaux s’entraînent déjà à chanter pour défendre leur territoire contre les autres mâles. De nombreux territoires de mésanges charbonnières se trouvent dans nos villes et nos jardins, et nombre d’entre eux sont équipés d’une mangeoire ou de boules de mésanges.
L’influence du nourrissage sur le comportement des oiseaux est cependant peu connue, alors qu’il s’agit de l’activité qui met le plus de personnes en contact avec la faune sauvage dans le monde. On sait que les mésanges bleues nourries en hiver pondent des œufs plus tôt pendant la période de reproduction et ont une descendance plus nombreuse que leurs congénères non nourris. De plus en plus souvent, cependant, le nourrissage des oiseaux ne se limite pas à l’hiver, mais se poursuit jusqu’au printemps, voire toute l’année.
Les femelles sont-elles infidèles ?
Des chercheurs ont étudié la réaction des mésanges charbonnières mâles lorsque de la nourriture pour oiseaux leur est proposée sur leur territoire jusqu’au début du mois d’avril, juste avant le début de la ponte. Pour ce faire, ils ont accroché des silos de nourriture dans 28 territoires de mésanges charbonnières. Dans la moitié de ces territoires, les silos ont été remplis de nourriture pendant deux semaines et des boules de mésanges ont été suspendues en plus, l’autre moitié des territoires a servi de contrôle sans boules de mésanges et avec des silos de nourriture vides. Le chant des mâles a été enregistré à l’aide de microphones directionnels avant le début du nourrissage, à la fin des deux semaines de nourrissage et à nouveau deux semaines plus tard, une heure avant et après le lever du soleil.
Résultat de l’étude : les mâles nourris sur leur territoire commençaient à chanter en moyenne 20 minutes plus tard le matin que leurs collègues non nourris. Cet effet était encore observable deux semaines après la fin du nourrissage. La raison de ce retard dans le début du chant n’est pas encore claire ; il est possible que d’autres oiseaux et des rivaux mâles, attirés sur le territoire par le nourrissage, détournent le mâle propriétaire du territoire du chant.
Cela peut être agréable pour les propriétaires de jardins et de balcons qui les nourrissent, car ils ne sont réveillés que 20 minutes plus tard par le chant des mésanges charbonnières. Mais des études antérieures ont montré que le chant des oiseaux avant le lever du soleil joue un rôle biologique particulier. Chez certaines espèces d’oiseaux, comme le rossignol, le chant matinal est particulièrement important pour la défense du territoire. Chez la mésange charbonnière, on suppose que le chant matinal sert également à empêcher sa propre femelle de la tromper. Il est donc possible que les mâles nourris, précisément parce qu’ils commencent à chanter plus tard le matin, soient moins efficaces dans la défense de leur propre femelle, qu’ils aient plus de "coucous" au nid et donc un succès reproductif moindre.
Nourrissage hivernal judicieux
Faut-il alors nourrir les oiseaux en hiver, et si oui, pendant combien de temps ? Selon Valentin Amrhein, qui a dirigé l’étude, le nourrissage hivernal a une grande valeur pédagogique : "Il y a probablement beaucoup de gens qui - tout comme moi - ont observé les hôtes hivernaux sur leur balcon lorsqu’ils étaient enfants et sont ainsi venus à l’ornithologie et à la protection de la nature. Mais il faut être conscient qu’en nourrissant les animaux, on influence aussi leur comportement. Sur la base de nos résultats, je conseille d’arrêter de nourrir les oiseaux au plus tard fin mars, afin qu’ils puissent se livrer à la reproduction sans être dérangés en avril".
La Station ornithologique suisse de Sempach et l’Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) recommandent un nourrissage modéré, surtout en cas de gel permanent et de couverture neigeuse fermée. La plupart du temps, seuls les oiseaux nicheurs et visiteurs les plus fréquents, comme la mésange charbonnière et la mésange bleue, profitent du nourrissage hivernal. Pour favoriser les espèces plus rares et menacées, il faut avant tout se préoccuper de la préservation d’habitats variés et sains.
