L’équipe de Carlo Rivolta, au Département de biologie computationnelle de l’UNIL, a identifié un gène dont le dysfonctionnement peut amener à une cécité et surdité combinées. Ses travaux sont à découvrir dans l’édition en ligne du 1er septembre 2016 de la revue scientifique «The American Journal of Human Genetics».
La maladie dite de la «dégénérescence des cônes et des bâtonnets» - ou CRD pour Cone-rode degeneration en anglais - représente une classe extrêmement rare de maladie héréditaire qui affecte les neurones sensibles à la lumière de la rétine, soit les cônes et les bâtonnets. Les cônes sont impliqués dans la vision de jour et en couleur, alors que les bâtonnets sont activés en cas de lumière très faible et produisent un type de vision en noir et blanc, comme lors d’une nuit sans lune.
La CRD se différencie des autres dystrophies rétiniennes, notamment de la rétinite pigmentaire plus fréquente, par une dégénérescence des cônes plus importante et plus précoce que celle des bâtonnets. Avec, pour conséquence, une déficience sévère de la vision diurne. «La perte des cônes chez les patients souffrant de CRD va engendrer non seulement une vision aberrante des couleurs, mais également une diminution progressive de la vision centrale», témoigne Carlo Rivolta, chercheur au Département de biologie computationnelle de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et directeur de l’étude publiée dans The American Journal of Human Genetics. «Au fur et à mesure que la maladie progresse, la perte de cônes et de bâtonnets devient considérable, ce qui peut conduire à une cécité complète».
Des troubles auditifs en plus des troubles de la vision
Dans les travaux menés durant ces deux dernières années par les chercheurs de l’UNIL, en collaboration avec le CHUV et l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin ainsi que des collègues grecques, suédois, hollandais et allemands, trois patients provenant de Grèce et de Suède et porteurs de cette très rare affection ont été étudiés. «Etonnamment, en plus des problèmes de vision, ces patients présentent des déficits d’audition. Ces deux symptômes sont associés à la perte de fonction d’un seul gène orphelin, appelé «CEP78». Jusqu’à présent, un syndrome qui regroupe surdité et CRD n’avait jamais été décrit, ni cliniquement, ni au niveau moléculaire, ce qui fait de cette maladie héréditaire une nouvelle entité clinique», détaille Carlo Rivolta.
Les mutations détectées sur le gène CEP78 de ces patients indiquent que ce syndrome s’inscrit dans une classe émergente de maladies héréditaires, dites «ciliopathies», qui peuvent toucher non seulement l’oeil et l’oreille interne, mais aussi d’autres organes comme le rein ou le cerveau. «Bien que nos recherches d’identification de gènes s’inscrivent dans un registre plutôt fondamental, ces résultats ouvrent la voie à des pistes thérapeutiques en pleine expansion: de nouvelles formes de thérapies géniques pourraient, par exemple, permettre de remplacer le gène défectueux - dans ce cas CEP78 - par une copie saine, introduite notamment par des vecteurs viraux», projette le chercheur.