01.07.16 - Séquestrer le dioxyde de carbone dans le sous-sol va probablement jouer un rôle-clé pour atteindre les objectifs de réduction mis en place à la conférence du GIEC l’an passé à Paris. Des chercheurs de l’EPFL ont développé un outil de simulation pour évaluer l’impact du processus d’injection dans la roche hôte.
En quatre ans et demi, le sol autour de la centrale à gaz de In Salah, dans le désert algérien, s’est élevé de seize millimètres. Cette élévation est provoquée par l’injection des émissions de dioxyde de carbone capturées sur le site dans un aquifère à 1800 mètres de profondeur. Le soulèvement du socle rocheux à In Salah est bénin, mais l’injection de quantités excessives de gaz dans le sous-sol pourrait fracturer les couches de roche imperméables qui maintiennent le gaz en place. Des chercheurs de l’EPFL ont développé un modèle informatique qui simule l’impact géologique de l’injection de CO2 dans le sous-sol et détermine la quantité de gaz qu’un réservoir peut accueillir en toute sécurité. Ils ont publié leurs résultats dans l’International Journal of Greenhouse Gas Control.
La séquestration de CO2 est déjà utilisée dans certains sites du monde, afin de ne moins rejeter le gaz à effet de serre dans l’atmosphère. L’Accord de Paris, qui vise à limiter l’impact du changement climatique anthropique, pourrait accélérer l’usage de cette technologie y compris en Suisse, selon une étude publié en 2010. La géologie complexe et très diverse des sites potentiels de séquestration dans le monde nécessite le développement d’outils afin de déterminer dans quelles conditions leur imperméabilité peut être assurée.
La phase d’injection est très critique, estime Li Chao, chercheur à la chaire «Gaz naturel» - Petrosvibi de l’EPFL, et co-auteur de l’étude avec Lyesse Laloui. «Lorsque le CO2 est injecté dans un aquifère profond, parfois à des milliers de mètres, il est beaucoup plus froid que la roche environnante et compressé à tel point qu’il occupe 500 fois moins de volume qu’il ne le ferait dans l’atmosphère. En raison de sa température, de sa pression et du volume qu’il occupe, il interagit avec la roche environnante», explique-t-il. Cela peut déformer la roche et provoquer ainsi des instabilités géologiques. Dans le pire des cas, cela peut fracturer la roche supérieure qui scelle l’aquifère, laissant le gaz s’échapper à la surface.
Selon Li Chao, cette simulation peut servir à déterminer la pression jusqu’à laquelle le CO2 peut être injecté sans danger dans un site géologique donné. Pour la tester, les chercheurs ont tenté de reproduire le soulèvement observé à In Salah, provoqué par quatre ans et demi de séquestration de CO2. Tandis que le gaz froid contracte la roche hôte située autour du site d’injection, sa pression élevée accroît la taille des pores de la roche. En associant les processus thermiques, hydrauliques et géo-mécaniques dans une simulation unique, les auteurs ont pu déterminer comment ces forces conspirent pour former le réservoir et les couches rocheuses au-dessous et autour de celui-ci.
«Les résultats de notre simulation approchent de très près les observations par satellite», résume Chao. A l’avenir, il espère développer son modèle et l’appliquer à d’autres types de sites de séquestration de CO2, qu’il s’agisse de champs gaziers abandonnés, d’aquifères salins, afin de simuler la formation de fractures dans le socle rocheux.
Référence: Chao Li, Lyesse Laloui, Coupled multiphase thermo-hydro-mechanical analysis of supercritical CO2 injection: Benchmark for the In Salah surface uplift problem, International Journal of Greenhouse Gas Control Volume 51, August 2016, Pages 394-408