Des scientifiques de l’EPFL ont développé un complexe à base d’uranium qui peut permettre des réactions de fixation de l’azote dans les conditions ambiantes. Ce travail surmonte ainsi l’une des plus grandes difficultés rencontrées lors de la production à l’échelle industrielle de produits azotés comme l’ammoniaque.
L’azote est disponible en grandes quantités dans la nature est se trouve à la base de nombreux produits de valeur, aussi bien naturels qu’artificiels. Cela exige une réaction connue sous le nom de «fixation de l’azote», dans laquelle l’azote moléculaire est divisé en deux atomes d’azote, lesquels peuvent alors être liés à d’autres éléments comme le carbone ou l’hydrogène. Toutefois, effectuer la fixation de l’azote pour produire de l’ammoniaque à l’échelle industrielle suppose des conditions exigeantes, notamment des températures et des pressions très élevées. Des scientifiques de l’EPFL viennent de développer un composé à base d’uranium qui permet à la fixation de l’azote de se produire dans les conditions ambiantes. Ce travail, publié dans Nature , jette les bases pour un développement de catalyseurs plus efficaces, tout en mettant en lumière de nouveaux concepts qui peuvent être appliqués à d’autres métaux, au-delà de l’uranium.
Quoiqu’il soit largement utilisé, l’ammoniaque n’est pas si facile à produire. La principale méthode de production d’ammoniaque à l’échelle industrielle est le procédé Haber-Bosch, qui utilise un catalyseur à base de fer, des températures de l’ordre de 450°C et une pression de 300 bars - presque 300 fois la pression au niveau de la mer.
La raison en est que l’azote moléculaire - tel qu’il existe dans l’air - ne réagit pas très facilement avec d’autres éléments, ce qui fait de la fixation de l’azote un défi considérable. Cependant, de nombreux micro-organismes se sont adaptés pour réaliser la fixation de l’azote dans des conditions normales, et à l’intérieur des parois fragiles d’une cellule. Ils le font en utilisant des enzymes dont la biochimie a inspiré les chimistes pour développer des applications dans l’industrie.
Le laboratoire de Marinella Mazzanti à l’EPFL a synthétisé un complexe contenant deux ions d’uranium(III) et trois centres de potassium, maintenus ensemble par un groupe de nitrure et une structure ligand-métal flexible. Ce système est capable de lier l’azote et de le diviser en deux dans des conditions ambiantes douces, en ajoutant de l’hydrogène et/ou des protons ou du monoxyde de carbone au complexe azoté résultant. Résultat: l’azote moléculaire est clivé, et se lie naturellement avec l’hydrogène et le carbone.
L’étude prouve qu’un complexe d’uranium moléculaire est capable de transformer de l’azote moléculaire en des composés à valeur ajoutée sans devoir recourir aux conditions exigeantes du procédé Haber-Bosch. Elle ouvre également la porte à la synthèse de composés azotés autres que l’ammoniaque, et jette les bases d’un développement de procédés catalytiques visant à la production de molécules organiques contenant de l’azote à partir du diazote.
Financement
Fonds National Suisse, EPFL.
Référence
Marta Falcone, Lucile Chatelain, Rosario Scopelliti, Ivica Zivkovic, Marinella Mazzanti. Nitrogen Reduction and Functionalization by a Multimetallic Uranium Nitride Complex. Nature 20 July 2017.