L’ouverture des économies au commerce international s’est imposée comme l’un des thèmes majeurs lors de récentes campagnes électorales, en France comme aux Etats-Unis. Mais quel est l’impact de cette ouverture sur les zones frontalières - En s’appuyant sur une analyse de l’Autriche avant et après la chute du Rideau de fer, des chercheurs des Universités de Genève (UNIGE) et de Lausanne (UNIL) démontrent que l’emploi et les salaires des bourgades et villages proches des frontières internationales croissent plus rapidement lors d’épisodes de libéralisation du commerce international que leurs équivalents plus éloignés de la frontière. Une étude à découvrir dans le dernier Policy Brief du Laboratoire Interdisciplinaire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP) de Sciences Po Paris.
Si l’ouverture au commerce international peut entrainer des pertes d’emplois dans certains secteurs, il n’en reste pas moins que « le commerce n’est pas un jeu à somme nulle », rappellent les auteurs de cette étude qui montrent qu’à travers la croissance économique des zones frontalières, souvent moins développées que les zones intérieures, la libéralisation des échanges commerciaux contribue à la réduction des disparités régionales.
«Nous nous sommes penchés sur "l’expérience naturelle" que constitue dès 1990 le choc de la chute du rideau de fer sur le marché de l’emploi en Autriche, et plus particulièrement pour les villes et villages près de la frontière Est avec la Hongrie et Tchécoslovaquie», explique Céline Carrère, professeure à la Geneva School of Economics and Management (GSEM) et au Global Studies Institute (GSI) de l’Université de Genève. Le cas se prête particulièrement bien à l’analyse, puisque les changements qui se sont produits ont été à la fois brusques et non anticipés par les agents économiques et politiques. Les conséquences observées peuvent donc être reliées directement à l’ouverture des frontières au commerce international.
Croissance plus rapide des salaires et de l’emploi
«Pour les mesurer, deux groupes de municipalités ont été constitués: un groupe de traitement, géographiquement proche des frontières de l’Est, et un groupe de contrôle, plus éloigné», détaille Frédéric Robert-Nicoud, professeur à la Faculté des HEC de l’UNIL. Et les conclusions sont claires : au cumul sur la période 1990-2002, une localité moyenne située à moins de 35 kilomètres de la frontière a vu son niveau de salaire croître de 4 points de pourcentage de plus qu’une localité comparable plus éloignée de la frontière. Cet écart est plus marqué encore en termes d’emploi, les municipalités frontalières ayant affiché une croissance cumulée supérieure de 14 points de pourcentage par rapport au groupe de contrôle.
Selon Marius Brülhart, professeur à la Faculté des HEC de l’UNIL, «Ces résultats peuvent être extrapolés à d’autres situations, et se révéler utiles hors du contexte autrichien ou de la chute du Rideau de fer». Une seconde étude, à laquelle il participe également, semble le démontrer. Il s’agit d’une analyse des régions frontières de 138 pays qui recourt à l’imagerie satellite nocturne pour évaluer l’évolution de l’activité économique à un niveau de résolution géographique fin, qui compense la faiblesse des données statistiques pour la majorité de pays à revenus faibles ou moyens. C’est ici la luminosité nocturne qui révèle l’intensité de l’activité économique. Cette analyse à l’échelle du monde confirme que la libéralisation du commerce international dynamise d’avantage l’activité économique des régions frontières que celle des régions intérieures.
En conclusion, les régions les plus exposées au commerce transfrontalier sont aussi celles qui en profitent le plus !
Lire le Policy Brief
Frédéric Robert-Nicoud
Faculté des HEC de l’UNIL
+41 21 692 33 52