Le bois, un matériau high-tech? Grâce aux travaux de délignification du bois de Marion Frey, Tobias Keplinger et Ingo Burgert, on touche presque au but. Le matériau tiré du bois que l’équipe de chercheurs de l’Empa et de l’EPFZ a mis au point peut prendre toute sorte de forme, offre une résistance trois fois supérieure au bois d’origine et se prête aux applications les plus variées.
Le bois est le plus ancien matériau du monde. Il est léger, a de remarquables qualités mécaniques, pousse tout seul et, en prime, fixe le CO2. Ces deux dernières caractéristiques expliquent que - dans le contexte de la crise climatique - on cherche à mieux l’utiliser, et plus souvent. C’est à quoi le groupe de chercheurs de l’Empa et de l’EPFZ dirigé par Ingo Burgert oeuvre depuis des années. Objectif: améliorer les caractéristiques naturelles du bois et lui conférer de nouvelles propriétés afin d’en élargir les applications.
En collaboration avec Tanja Zimmermann, actuelle dirigeante du département «Matériaux fonctionnels» de l’Empa, Ingo Burgert présente déjà de stupéfiants objets de bois au module «Vision Wood» du bâtiment de recherche en grandeur nature NEST, tels que des poignées de porte en bois antibactérien, du bois minéralisé de bonne résistance au feu, une paroi d’affichage en bois magnétisé. Après environ trois années d’utilisation pratique dans l’appartement d’étudiants «Vision Wood», les deux premiers produits s’avèrent convaincants; le troisième doit encore être amélioré.
Par ses récents travaux de recherche, le groupe «Wood Materials Science» de l’EPFZ et de l’Empa a maintenant ouvert une nouvelle voie: «Nous avons trouvé un moyen d’améliorer nettement les caractéristiques mécaniques du bois et, en outre, de lui conférer plus facilement de nouvelles propriété», explique Burgert.
Défait de sa lignine, le bois perd sa couleur. Compacté, il s’avère trois fois plus résistant que le matériau d’origine. Image: Empa / ETH Zürich
Le procédé passe par la délignification et le compactage. Du point de vue chimique, le bois se compose essentiellement de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. La lignine empêche les longues fibrilles de cellulose de fléchir, les rigidifiant. «Nous la retirons du bois à l’aide d’un acide; nous retirons donc la colle naturelle du bois», explique Marion Frey qui termine actuellement une thèse dans l’équipe de Burgert. Le bois, ou plutôt sa cellulose résiduelle de couleur blanche peut prendre n’importe quelle forme à l’état humide. Les espaces intercellulaires qu’occupait la lignine absorbent l’eau, laquelle dissout les liaisons entre cellules, permettant toute sorte de manipulation. Lorsqu’on les sèche, les cellules s’accrochent les unes aux autres, recréant des liaisons rigides. Un compactage sous presse confère ensuite au matériau une rigidité et une résistance à la traction trois fois supérieures au bois de pin à l’état naturel. Revêtu d’une couche hydrofuge qui le protège de l’humidité, l’objet conserve la forme souhaitée.
L’extraction de la lignine a un autre effet sur le bois: elle en augmente la porosité. «C’est appréciable lorsqu’on cherche à lui confier de nouvelles fonctions, souligne Tobias Keplinger. L’espace libéré entre les cellules et dans les parois cellulaires permet l’adjonction de substances lui conférant de nouvelles propriétés». Ainsi, on peut rendre le bois magnétique par infiltration d’oxyde de fer. Les expériences ont montré que le bois délignifié se laissait beaucoup mieux magnétiser que le bois naturel utilisé jusqu’alors dans l’unité «Vision Wood» du bâtiment NEST.
Les chercheurs pensent que leurs nouveaux matériaux trouveront de nombreuses applications dans l’automobile, l’aviation et l’industrie du meuble. Dans le cadre d’un travail de master, la designer Meri Zirkelbach a déjà concrétisé quelques idées de produits: un casque de cycliste, une garniture intérieure de portière de voiture et un rétroviseur.