Une équipe de l’Université de Genève a découvert les mécanismes de régulation de la formation de la couche protectrice des racines des plantes.
Les plantes s’adaptent à leurs besoins nutritionnels en modifiant la perméabilité de leurs racines, via la production ou la dégradation d’une couche semblable au liège, la subérine. En s’intéressant à la régulation de cette couche protectrice chez l’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), une équipe internationale, dirigée par des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE), a découvert quatre facteurs moléculaires responsables de l’activation génétique de la subérine. Leur identification a permis de produire des plantes aux racines continuellement recouvertes - ou au contraire totalement dépourvues - de subérine. Celles-ci constituent des outils d’intérêt majeur pour la sélection de plantes plus résistantes aux stress environnementaux. Ces travaux sont à lire dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
L’absorption par les racines des éléments nutritifs et de l’eau présents dans le sol doit être sélective, en particulier lorsque l’environnement est toxique pour la plante. La subérine, présente au niveau des racines des plantes, est une substance composée de lipides qui joue le rôle de barrière protectrice contre les différents stress de l’environnement. En effet, une étude précédente de Marie Barberon, professeure au Département de botanique et biologie végétale de la Faculté des sciences de l’Université de Genève, a montré que la subérine - constituant principal du liège - peut recouvrir les parois cellulaires, ou au contraire être dégradée pour modifier la perméabilité des racines aux nutriments présents dans l’environnement. La couche de subérine protège ainsi la plante contre les pertes en eau, la présence d’éléments toxiques tels que le sel ou le cadmium, mais permet aussi d’optimiser l’acquisition des nutriments nécessaires à la croissance.
Quatre facteurs clés chez l’Arabette des dames
Afin de comprendre comment est régulée la présence de la subérine, une équipe internationale, dirigée par Marie Barberon, s’est intéressée à certains régulateurs présents dans l’endoderme, la couche de cellules qui entoure les vaisseaux transportant la sève et qui fabrique la subérine. Cette étude a été réalisée dans l’organisme modèle le plus utilisé par les botanistes, l’Arabette des dames. «Nous avons pu nous servir d’une des caractéristiques de cette plante, à savoir la transparence de ses racines, pour observer directement en microscopie la présence ou non de la subérine après coloration et ainsi identifier les protéines essentielles à sa production», explique Vinay Shukla, chercheur au Département de botanique et biologie végétale et premier auteur de cette étude. C’est ainsi que les biologistes ont pu déterminer les quatre principales protéines responsables de la formation de la subérine. «Nous avons ainsi obtenu des plantes dont les racines sont toujours recouvertes de subérine. A l’aide de la technique CRISPR/Cas9, nous avons également généré un quadruple mutant pour ces protéines qui est incapable de produire la subérine», poursuit Vinay Shukla.
Un pas dans la direction de plantes super-résistantes
Ces Arabettes modifiées ont ensuite été cultivées dans des milieux avec différentes teneurs en sodium, un élément nutritif contenu dans le sel et nécessaire à la croissance des plantes, mais qui peut devenir toxique s’il est présent dans les sols en concentration trop élevée. «Nous avons observé que les plantes dont les racines sont continuellement recouvertes de subérine absorbent moins le sodium que celles qui en sont dépourvues. En revanche, ces dernières résistent moins bien aux concentrations toxiques», commente Marie Barberon.
Cette découverte des facteurs clés de la régulation de la formation de subérine dans les racines va permettre de disposer d’outils génétiques précieux pour étudier plus précisément son rôle dans le maintien de l’équilibre en nutriments chez les végétaux, mais aussi dans la résistance aux stress salins, à la sécheresse ou encore aux inondations. Ces résultats pourraient avoir un impact considérable chez les plantes d’intérêt agronomique, en permettant à l’avenir de sélectionner des plantes qui résistent mieux aux conditions environnementales défavorables.
24 septembre 2021