Signature de la vie mesurée depuis les airs

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L’instrument FlyPol, avec lequel les biosignatures peuvent être mesurées d
L’instrument FlyPol, avec lequel les biosignatures peuvent être mesurées depuis l’air, à bord de l’hélicoptère. mis à disposition par Lucas Patty

Il pourrait s’agir d’une étape importante sur le chemin pour prouver la vie sur d’autres planètes : des scientifiques sous la direction du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS, que l’Université de Berne codirige avec l’Université de Genève, sont parvenus à mesurer depuis un hélicoptère situé à plusieurs kilomètres du sol une particularité moléculaire centrale commune à tous les êtres vivants. La technologie de mesure pourrait également ouvrir des possibilités de télédétection de la Terre.

La main gauche est le miroir presque parfait de la main droite. Mais peu importe qu’on les tourne ou les torde, elles ne correspondent jamais parfaitement. C’est pourquoi, le gant gauche ne s’adapte pas aussi bien à la main droite qu’à la main gauche. En science, cette propriété s’appelle la chiralité.

Tout comme les mains sont chirales, les molécules peuvent également l’être. En effet, la plupart des molécules dans les cellules des organismes vivants, par exemple l’ADN, sont chirales. Mais à la différence des mains qui se présentent généralement par paires (gauche et droite), les molécules de la vie ne se présentent presque qu’exclusivement dans leur version ’ gauchère ’ ou ’ droitière ’. Les scientifiques parlent alors d’homochiralité. La raison pour laquelle il en est ainsi n’est aujourd’hui pas encore claire. Cette homochiralité moléculaire est toutefois une propriété caractéristique de la vie, ce que l’on appelle une biosignature.

Dans le cadre du projet MERMOZ (voir l’encadré d’information), l’équipe internationale de recherche sous la direction de l’Université de Berne et du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS a désormais réussi à prouver cette signature à une distance de 2 kilomètres et à une vitesse de 70 km/h. Jonas Kühn, manager du projet MERMOZ du Centre de l'espace et de l'habitabilité CSH de l'Université de Berne et co-auteur de l'étude, qui vient d'être publiée dans la revue Astronomy and Astrophysics, déclare : ’ L'avancée significative est que ces mesures ont été effectuées sur une plate-forme qui était en mouvement et vibrait, et malgré cela, nous sommes quand même parvenu à détecter ces biosignatures en quelques secondes ’.

Un instrument qui reconnait la matière vivante

’ Lorsque la lumière est réfléchie par un matériau biologique, une partie de l’onde électromagnétique de la lumière se déplace en spirale soit dans le sens des aiguilles d’une montre soit dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Ce phénomène s’appelle la polarisation circulaire et est causé par l’homochiralité du matériau biologique. Des spirales lumineuses similaires ne sont pas produites par la nature abiotique non vivante ’, explique le co-auteur Lucas Patty, chercheur postdoctoral du projet MERMOZ à l'Université de Berne et membre du PRN PlanetS.

Mesurer cette polarisation circulaire représente toutefois un réel défi. Le signal est assez faible et représente généralement moins de 1% de la lumière réfléchie. Pour la mesure, l’équipe a développé un instrument spécial appelé spectropolarimètre. Il se compose d’une caméra dotée de lentilles spéciales et de récepteurs capables de séparer la polarisation circulaire du reste de la lumière.

Mais même avec cet instrument sophistiqué, les nouveaux résultats auraient été impossibles à trouver jusqu’à récemment. ’ Il y a encore 4 ans, nous ne pouvions détecter le signal qu’à une très courte distance, environ 20 cm, et nous devions observer le même endroit pendant plusieurs minutes ’, se souvient Lucas Patty. Mais les améliorations que lui et ses collègues ont apportées à l’instrument permettent une détection beaucoup plus rapide et stable, et la force de la signature en polarisation circulaire est préservée même à distance. Cela a permis à l’instrument d’effectuer les premières mesures de la polarisation circulaire depuis les airs.

Mesures utiles sur la Terre et dans l’espace

Grâce à cet instrument amélioré, appelé FlyPol, les chercheurs ont pu démontrer qu’ils pouvaient faire la différence entre les prairies, les forêts et les zones urbaines à partir de mesures effectuées en quelques secondes depuis un hélicoptère volant rapidement. Les mesures montrent clairement que la matière vivante présente les signaux de polarisation caractéristiques, alors que par exemple les rues ne montrent aucun signal de polarisation circulaire notable. Avec la configuration actuelle, ils sont même en mesure de détecter des signaux provenant d’algues dans les lacs.

Après ces tests concluants, les scientifiques veulent désormais aller encore plus loin. ’ La prochaine étape que nous visons est d’effectuer des détections similaires depuis la Station spatiale internationale (ISS) qui pointe en direction de la Terre. Cela nous permettra d’évaluer la détectabilité des biosignatures à l’échelle planétaire. Cette étape sera décisive pour permettre de rechercher de la vie dans et au-delà de notre système solaire en utilisant la polarisation ’, explique le chercheur principal du projet MERMOZ et co-auteur Brice-Olivier Demory, Professeur en astrophysique à l’Université de Berne et également membre au NCCR PlanetS.

La mesure des signaux de polarisation circulaire n’est pas seulement importante pour les futures missions spatiales de détection de la vie. Lucas Patty ajoute : ’ Puisque le signal est directement lié à la composition moléculaire de la vie et donc à son fonctionnement, il peut également fournir des informations complémentaires précieuses pour la télédétection. ’ Par exemple, la déforestation ou les maladies des plantes pourraient être détectées depuis les airs, et il pourrait même être possible d’utiliser la polarisation circulaire pour surveiller la prolifération d’algues toxiques, les récifs coralliens et les effets de l’acidification sur ces-derniers.

Le PRN PlanetS : l’étude des planètes made in Switzerland

Le Fond national suisse a accordé en 2014 le financement d’un Pôle de recherche national (PRN) à l’Université de Berne qu’elle dirige depuis lors avec l’Université de Genève.
Depuis sa participation au premier alunissage en 1969, l’Université de Berne prend part à des missions spatiales d’organisations telles que la NASA, l’ESA, ROSCOSMOS ou la JAXA. Elle codirige actuellement la mission CHEOPS de l’Agence spatiale européenne (ESA) avec l’Université de Genève. En outre, les scientifiques bernois font partie de l’élite mondiale en ce qui concerne les modélisations et les simulations sur la naissance et au développement des planètes.
Avec la découverte de la première exoplanète, l’Université de Genève se positionne comme l’une des institutions leaders dans ce domaine. Cela a conduit, par exemple, en 2003 à la construction et l’installation du spectrographe HARPS sur le télescope de 3,6 m de l’ESO à La Silla sous la direction de Genève. Puis l’installation de l’instrument ESPRESSO au très grand télescope de l’ESO à Paranal a suivi. Le ’ Science Operation Center ’ de la mission CHEOPS se trouve également à Genève.
L’école polytechnique fédérale de Zurich (ETH) et l’Université de Zurich sont également des institutions partenaires au PRN PlanetS. Des scientifiques issus des domaines de l’astrophysique, du traitement de données et des sciences de la Terre dirigent des projets et apportent d’importantes contributions à la recherche dans le cadre du PRN PlanetS. En outre, l’ETHZ est également un leader mondial en matière d’instrumentalisation pour divers observatoires et missions spatiales.
Le PRN PlanetS est divisé en les domaines de recherche suivants :

  • Stades précoces de la naissance des planètes
  • Architecture des systèmes planétaires, leur naissance et leur développement
  • Atmosphères, surfaces et intérieurs des planètes
  • évaluation de l’habitabilité des planètes.

Recherche en astrophysique : parmi l’élite mondiale depuis le premier alunissage

Le 21 juillet 1969, Buzz Aldrin a été le deuxième homme à descendre du module lunaire, le premier à déployer la voile à vent solaire bernoise et a la planter dans le sol lunaire, avant même le drapeau américain. Le Solarwind Composition Experiment (SWC), planifié et évalué par Johannes Geiss et son équipe à l’institut de physique de l’Université de Berne, a été le premier moment fort de l’histoire de la recherche en astrophysique bernoise.
La recherche en astrophysique bernoise fait depuis lors partie de ce qui se fait de mieux au niveau mondial : l’Université de Berne participe régulièrement aux missions spatiales de grandes organisations spatiales comme l’ESA, la NASA, ROSCOSMOS ou la JAXA. Avec CHEOPS, l’Université de Berne se partage la responsabilité avec l’ESA pour toute la mission. En outre, les scientifiques bernois font partie de l’élite mondiale en ce qui concerne les modélisations et les simulations sur la naissance et au développement des planètes.
Le travail fructueux du département de recherche en astrophysique et planétologie (RAP) de l’Institut de physique de l’Université de Berne a été consolidé par la fondation d’un centre de compétences universitaire, le Center for Space and Habitability (CSH) . Le Fonds national suisse a en outre accordé à l’Université de Berne le financement du pôle de recherche national (PRN) PlanetS , qu’elle dirige avec l’Université de Genève.