Des scientifiques de l’Université de Genève révèlent un mécanisme surprenant de la formation des gisements de cuivre, un métal essentiel à la transition énergétique.
Matériau essentiel à la conduction électrique, le cuivre est aujourd’hui l’un des métaux les plus utilisés de la planète. Les plus grandes ressources naturelles de ce métal sont les gisements dits «porphyriques» issus de magmas provenant des profondeurs de la Terre. Dans une récente recherche, des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) démontrent que ces précieux gisements sont en grande partie issus de mécanismes similaires à ceux provoquant les grandes éruptions volcaniques. Alors que les ressources actuelles en cuivre s’amenuisent, et que ce métal joue un rôle clé dans la transition énergétique, cette découverte ouvre de nouvelles pistes pour le développement d’outils visant à mettre au jour de nouveaux gisements. Ces résultats sont à lire dans la revue Nature - Communications Earth & Environment.
Le cuivre est l’une des ressources naturelles les plus exploitées de la planète. Excellent conducteur et très résistant à la corrosion, ce métal est utilisé pour produire tous types de fils et connexions électriques. Il permet également la réalisation de nombreux alliages, tels que le bronze et le laiton. Considéré comme un matériau essentiel à la transition énergétique - il est massivement utilisé pour équiper les voitures électriques - sa demande dépassera les ressources disponibles connues d’ici quelques décennies. Découvrir de nouveaux gisements et acquérir de nouvelles connaissances sur leur formation constitue donc un enjeu crucial.
Une étude dirigée par Massimo Chiaradia, maître d’enseignement et de recherche au Département des sciences de la Terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’Université de Genève, a fait une découverte importante dans ce domaine. Elle met en évidence le fait que les gisements dits «porphyriques» - du nom d’une roche magmatique qui renferme le cuivre - sont issus de mécanismes très proches de ceux provoquant les grandes éruptions volcaniques. «Nous avons découvert que les grandes réserves de cuivre naissent d’éruptions ratées», explique le chercheur.
Tout vient du magma
Le cuivre provient en effet de fluides chauds, majoritairement composés d’eau, libérés par des magmas en cours de refroidissement. Ces magmas, qui sont aussi à la base des éruptions, proviennent de la couche intermédiaire entre le noyau et la croûte terrestre, dite «manteau», et remontent ensuite vers la surface de la Terre où ils forment une «chambre magmatique». Celle-ci se situe généralement entre 5km et 15km de profondeur. «Si le volume et la vitesse d’injection du magma dans ce réservoir sont très importants, une grande quantité de fluides peut être émise catastrophiquement dans l’atmosphère avec le magmas lors d’une éruption volcanique», explique Massimo Chiaradia, premier auteur de la recherche. Mais ces fluides peuvent aussi se développer de manière plus silencieuse sous la surface terrestre et donner naissance à un gisement, à une profondeur variable de 1km à 6km.
Ce phénomène est cependant beaucoup moins fréquent, ce qui explique en partie la rareté des gisements. «Il faut des dizaines voire des centaines de milliers d’années pour voir un gisement de cuivre se former alors que les éruptions volcaniques sont plus fréquentes. Une éruption ratée dépend de la conjugaison de plusieurs paramètres: la vitesse d’injection du magma, la vitesse de son refroidissement et la rigidité de la croûte terrestre qui entoure la chambre magmatique. Il faut que celle-ci soit souple pour absorber la pression exercée par les nouvelles arrivées de magma, pour que l’éruption n’ait pas lieu», explique Luca Caricchi, deuxième auteur et professeur associé au Département des sciences de la Terre et de l’environnement.
Faciliter l’exploration des futurs gisements
«La mise en évidence des similarités entre grandes éruptions et gisements va permettre d’utiliser un grand nombre de connaissances acquises par les vulcanologues pour progresser dans la compréhension de la formation des gisements porphyriques», se réjouit Massimo Chiaradia. Pour parvenir à ses résultats, l’équipe de l’Université de Genève s’est appuyée d’une part sur les données et chiffres fournis par les compagnies minières et d’autre part sur celles collectées sur le terrain et en laboratoire par des nombreux/-euses chercheurs/-euses - combinées à des modèles pétrologiques et géochimiques.
Ces découvertes ouvrent de nouvelles voies pour le développement d’outils géologiques, minéralogiques et géochimiques pour une exploration plus efficace des plus grands gisements porphyriques de cuivre sur Terre. «La prochaine étape sera de travailler sur un modèle permettant de quantifier de la manière la plus précise possible le contenu total en cuivre et donc la qualité d’un gisement potentiellement exploitable», conclut Massimo Chiaradia.
9 mai 2022