11 octobre 2022 L’OMS qualifie de ’pandémie silencieuse’ l’augmentation insidieuse et rapide du nombre de bactéries résistantes aux antibiotiques. La crise est aggravée par le fait que peu de nouveaux médicaments ont été mis sur le marché au cours des dernières décennies. Aujourd’hui déjà, il n’est plus possible de traiter toutes les infections et même les interventions de routine deviennent dangereuses.
Pour stopper la progression des germes résistants aux antibiotiques, il est urgent de trouver de nouvelles substances actives. L’équipe de Sebastian Hiller du Biocentre de l’Université de Bâle et des chercheurs de la Northeastern University de Boston viennent de faire une telle découverte. Ce travail a été réalisé dans le cadre du Pôle de recherche national (PRN) ’AntiResist’ et vient de paraître dans ’Nature Microbiology’.
Des adversaires difficiles
Les chercheurs ont découvert le nouvel antibiotique dynobactine grâce à un screening informatisé. Il tue les bactéries gram-négatives, dont font partie de nombreux germes dangereux et résistants. Trouver des antibiotiques contre ce groupe de bactéries est loin d’être trivial’, explique Hiller. Elles sont bien protégées par leur double membrane et n’offrent donc que peu de surface d’attaque. Et au cours des millions d’années de leur évolution, elles ont trouvé de nombreux moyens de rendre les antibiotiques inoffensifs’.Ce n’est que l’année dernière que l’équipe de Hiller a décrypté le principe d’action de la darobactine, un antibiotique peptidique récemment découvert. Ces connaissances ont été directement intégrées dans la recherche de nouveaux antibiotiques. Ils ont notamment tiré profit du fait que de nombreuses bactéries produisent elles-mêmes des peptides à effet antibiotique pour se combattre mutuellement. Et que, contrairement aux substances naturelles, ces peptides sont inscrits dans le patrimoine génétique des bactéries.
Effet mortel
Les gènes de ces antibiotiques peptidiques possèdent un signe distinctif clair", explique le co-auteur, le Dr Seyed M. Modaresi. L’ordinateur a systématiquement recherché cette caractéristique dans l’ensemble du patrimoine génétique des bactéries qui produisent de tels peptides. C’est ainsi que nous sommes tombés sur la dynobactine, dont les auteurs ont pu démontrer l’efficacité dans leur étude. Des souris atteintes d’une septicémie potentiellement mortelle due à des bactéries résistantes ont survécu à la grave infection grâce à l’administration de dynobactine.En combinant différentes méthodes, les chercheurs ont pu déterminer la structure et le mode d’action de la dynobactine. Elle bloque la protéine membranaire bactérienne BamA, qui joue un rôle important dans la construction et le renouvellement de l’enveloppe protectrice externe des germes. De l’extérieur, la dynobactine se loge dans BamA comme un bouchon et l’empêche de remplir ses fonctions. Les bactéries meurent’, explique Modaresi. Bien que la dynobactine ne présente guère de similitudes chimiques avec la darobactine bien connue, elle attrape les bactéries au même endroit. Nous ne nous y attendions pas au départ.
Un vent favorable pour la recherche sur les antibiotiques
Au niveau moléculaire, les chercheurs ont constaté que la dynobactine interagit différemment avec BamA que la darobactine. En combinant certaines propriétés des deux, il serait possible d’améliorer et d’optimiser les substances actives potentielles. Il s’agit d’une étape importante sur la voie d’un médicament efficace. La méthode de criblage informatisée va donner un nouvel élan à la recherche d’antibiotiques dont nous avons un besoin urgent’, explique Hiller. ’A l’avenir, nous voulons élargir le champ d’action et tester la pertinence d’encore plus de peptides’.Publication originale
Ryan D. Miller et al.
Identification par ordinateur d’un antibiotique systémique pour les bactéries Gram-négatives.
Nature Microbiology (2022), doi : 10.1038/s41564’022 -01227-4