Un médicament antipaludique prometteur ne réduit pas la mortalité infantile

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Photo: Matthis Kleeb/Swiss TPH
Photo: Matthis Kleeb/Swiss TPH

Une étude à grande échelle de l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) et ses partenaires a révélé que l’artésunate sous forme de suppositoire par voie rectale (RAS) n’a aucun effet bénéfique sur la survie des enfants atteints de paludisme sévère lorsqu’il est utilisé comme traitement d’urgence dans des contextes à ressources limitées. L’étude, qui s’est déroulée dans des conditions de terrain en Afrique, conclut que l’utilisation du RAS est peu susceptible de réduire la mortalité due au paludisme à moins de remédier aux faiblesses sous-jacentes du système de santé. Les résultats, vontavoir des répercussions sur les recommendations officielles de l’OMS. Un point de vue sur ces résultats a été publié aujourd’hui dans The Lancet Infectious Diseases.

L’artésunate sous forme de suppositoire par voie rectale (RAS), un médicament antipaludéen prometteur, s’avère inefficace pour sauver la vie d’enfants souffrant de paludisme sévère, selon les résultats d’une nouvelle étude menée par l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) et ses partenaires. Un point de vue sur ces résultats a été publié aujourd’hui dans The Lancet Infectious Diseases.

L’étude, qui portait sur un déploiement à grande échelle du RAS en République démocratique du Congo, au Nigeria et en Ouganda, a révélé que, lorsqu’il était utilisé comme traitement d’urgence dans des conditions réelles, le RAS n’améliorait pas les chances de survie des enfants atteints de paludisme sévère.

«Nos résultats mettent en évidence une vérité très décevante mais importante», a déclaré Manuel Hetzel, professeur d’épidémiologie à l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) et premier auteur de la publication. «Nous avons constaté que la prise en charge globale des cas de paludisme sévère est si mauvaise, que l’ajout d’un seul produit ne semble pas faire de différence positive. Nous devons nous concentrer à investir dans l’amélioration des systèmes de santé existants, avant que l’on puisse considérer de nouvelles interventions. »

L’étude observationnelle, qui portait sur 6200 enfants gravement malades âgés de moins de cinq ans, a révélé que, dans certains cas, les enfants ayant reçu du RAS étaient plus susceptibles de mourir que ceux qui ne l’avaient pas reçu. «Il a été démontré précédemment que le RAS avait un effet bénéfique s’il était suivi de soins de post-hospitaliers de qualité, ce qui a suscité des espoirs dans la communauté de lutte contre le paludisme», a ajouté Hetzel. «Mais le plus souvent, les enfants ne terminent pas l’intégralité du traitement en raison du manque de transport vers les hôpitaux, des coûts de transport et de traitement, ou de la mauvaise qualité des soins dans les hôpitaux.»

Le traitement pré-transfert avec le RAS est un suppositoire unique qui peut être administré comme traitement d’urgence par un agent de santé communautaire ou dans un établissement de santé éloigné pour faire la transition jusqu’à ce que l’enfant soit admis à l’hôpital. Les soins post-transfert pour le traitement du paludisme sévère comprennent un traitement avec un antipaludique injectable, suivi d’un traitement complet avec une combinaison thérapeutique à base d’artémisinine (ACT), ainsi que des antibiotiques et des mesures pour gérer les complications potentielles.

Recommandation actuelle de l’OMS

La recommandation actuelle de l’OMS sur l’utilisation du RAS comme traitement de pré-transfert est basée sur un essai contrôlé randomisé qui s’est déroulé entre 2000 et 2006 au Ghana, en Tanzanie et au Bangladesh. Cet essai a fourni des indications limitées sur l’introduction du RAS à grande échelle. «Dans des conditions réelles, de nombreux facteurs influencent le fait qu’un individu soit traité et guéri de manière appropriée, ce qui explique que les interventions qui fonctionnent bien dans un essai contrôlé ne réalisent pas toujours leur potentiel dans la vie réelles», a déclaré Phyllis Awor, co-chercheuse pour l’étude à l’école de Santé Publique de l’Université Makerere en Ouganda.

note d’information recommandant aux pays soit de retarder la mise à l’échelle jusqu’à ce que des directives supplémentaires sur la sécurité de la mise en oeuvre du RAS soient disponibles, soit de revoir d’urgence les conditions dans lesquelles ce médicament est actuellement utilisé. Actuellement, les directives de l’OMS sur le RAS sont en cours de révisions par une équipe d’experts nommés par l’OMS.

«Les données réelles générées par notre étude devraient être considérées avant de faire pression pour un déploiement à grande échelle du RAS dans les systèmes qui ne disposent pas d’un continuum de soins fonctionnel », a déclaré Hetzel. «Sans une approche globale qui reconnaît les réalités complexes auxquelles sont confrontés le personnel soignant et les agents de santé dans des zones reculées et mal desservies, les enfants continueront de mourir du paludisme, et les interventions prometteuses telles que le RAS ne parviendront pas à réaliser leur potentiel.»

A propos de l’étude

Le projet CARAMAL (Community Access to Rectal Artesunate for Malaria) est une étude observationnelle qui a accompagné l’introduction du RAS pré-transfert en République démocratique du Congo, au Nigeria et en Ouganda entre 2018 et 2021. Il s’agit de la première étude de ce type qui examine à grande échelle l’introduction du RAS dans des systèmes de soins communautaires existants. Le projet a été mis en oeuvre par la Clinton Health Access Initiative (CHAI), l’UNICEF et l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH), avec le financement d’Unitaid. Swiss TPH était responsable pour l’évaluation scientifique, conjointement avec l’école de Santé Publique de Kinshasa en RDC, Akena Associates au Nigeria, et l’école de Santé Publique de l’Université Makerere en Ouganda. Les résultat principaux de cette étude ont été publié le 11 octobre 2022 dans BMC Medicine .

Publication

Hetzel MW et al. Pre-referral rectal artesunate: no cure for unhealthy systems. Lancet Infectious Diseases 2022; published online Dec 19. https://doi.org/10.1016/S­1473-3099(­22)00762-9