En tant qu’organismes interdépendants, les plantes se livrent à un arbitrage permanent: choisir d’investir leurs ressources dans la croissance ou dans la défense. Dans une récente étude, une équipe de recherche de l’Université de Fribourg révèle que cet arbitrage s’effectue au niveau moléculaire à l’aide d’une protéine de transport. Ce savoir pourrait non seulement aider les sélectionneurs·euses à améliorer la santé des végétaux, mais aussi revêtir un intérêt médical.
Les plantes entretiennent une forte interdépendance avec leur environnement. Mais cette symbiose, qui leur est extrêmement utile pour s’approvisionner en eau et en minéraux, peut aussi leur être fatale lorsqu’elles sont attaquées par des prédateurs ou des agents pathogènes. Pourtant, même dans un tel cas, les plantes ne sont pas sans défense. Elles réagissent de manière ciblée grâce à des mécanismes naturels, par exemple en sécrétant des substances toxiques, appelées phytoalexines, qui luttent contre l’intrus.
Une protéine de transport pour repousser les agents pathogènes
Au cours des dernières décennies, on a commencé à rechercher activement la protéine de transport qui, chez l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), la plante modèle, transfère la camalexine hors de la cellule et, par conséquent, détruit les agents pathogènes. L’arabette des dames appartient à la famille des brassicacées, ce qui en fait un proche parent de nos plantes utiles comme le colza ou le chou. à présent, une équipe dirigée par Dr Markus Geisler du Département de Biologie de l’Université de Fribourg a pu démontrer que le transporteur ABCG36 exporte bel et bien la camalexine.
Ce même groupe de travail avait déjà prouvé auparavant que la protéine ABCG36 assurait également le transfert hors de la cellule de l’acide indole-3-butyrique (IBA), précurseur d’une importante hormone de croissance végétale. ABCG36 transporte ainsi deux composés essentiels, l’un pour la croissance (IBA), l’autre pour la défense (camalexine), et se trouve donc à l’interface entre ces deux fonctions. Les deux mécanismes étant très énergivores pour la plante, celle-ci doit choisir la stratégie à privilégier.
L’étude publiée récemment dans la revue spécialisée Current Biology montre qu’en cas d’attaque par des agents pathogènes, le transporteur ABCG36 inhibe l’exportation de l’IBA, mais pas celle de la camalexine. La défense prend donc le pas sur la croissance.
Des enseignements importants pour les sélectionneurs et la médecine
Grâce aux résultats de l’étude, les sélectionneurs·euses peuvent développer de nouvelles stratégies pour améliorer la santé végétale. Depuis des siècles, les plantes utiles sont sélectionnées dans le but de maximiser les caractéristiques liées à la croissance. Il en résulte une perte de diversité génétique qui affaiblit souvent les défenses.
L’étude présente également un intérêt pour la médecine, puisque plusieurs transporteurs de la famille ABCG sont notamment responsables de l’échec de la chimiothérapie classique pour soigner le cancer du sein.
-> Vers l'étude en Current Biology
Comment les plantes arbitrent entre croissance et défense
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