
Pour mener un combat difficile, il faut de l’endurance. C’est exactement la même chose pour les globules blancs dans leur lutte contre le cancer, plus précisément pour les lymphocytes T ou cellules T - un groupe de globules blancs qui participent à la lutte contre les cellules cancéreuses par le système immunitaire. Dans cette lutte, les cellules T peuvent se retrouver dans un état d’épuisement.
Des chercheurs du Département de biomédecine de l’Université de Bâle et de l’Hôpital universitaire de Bâle ont récemment identifié un gène qui semble contribuer à cet épuisement. Les résultats de leur projet de recherche, financé par le Fonds national suisse, ont été publiés dans la revue Nature Communications.
Le problème de l’épuisement des lymphocytes T est connu depuis une vingtaine d’années. En raison de l’exposition chronique aux cellules tumorales, les lymphocytes T entrent au bout d’un certain temps dans une sorte d’état d’épuisement et deviennent moins efficaces : ils continuent certes à reconnaître les cellules ennemies, mais produisent moins de substances avec lesquelles ils éliminent ces cellules tumorales. En même temps, elles ne peuvent plus se développer en cellules T mémoires, qui sont pourtant importantes pour soutenir la réponse immunitaire.
L’épuisement compromet donc également l’efficacité des immunothérapies basées sur la stimulation des défenses immunitaires de l’organisme contre les cellules cancéreuses. Cela vaut également pour les thérapies cellulaires contre le cancer : même si nous injectons de ’nouvelles’ cellules T aux patients, l’épuisement reste un problème", explique Alfred Zippelius, coauteur de l’étude.
Régulation fine
Le groupe de recherche a donc tenté de mieux comprendre les mécanismes qui fatiguent les lymphocytes T. Pour ce faire, l’équipe a développé un modèle basé sur des tumeurs humaines et a généré des lymphocytes épuisés, tels qu’on les trouve dans les tumeurs des patients.L’équipe a ensuite testé un grand nombre de gènes en les désactivant un par un à l’aide de la méthode CRISPR/Cas9. Ils ont ainsi pu identifier un gène qui régule l’épuisement. Lorsque ce gène, appelé SNX9, est inactivé, les cellules T restent fonctionnelles même lorsqu’elles se trouvent dans l’environnement d’une tumeur pendant une longue période.
Le gène SNX9 semble augmenter la réponse immunitaire à court terme. Dans les situations où chaque heure compte dans la lutte contre la maladie, cela peut être important. Dans notre expérience, nous avons pu ajuster l’activité des cellules immunitaires en supprimant SNX9, car les signaux de stimulation excessive ont disparu. Les cellules T ont donc été épargnées pendant une période prolongée et ont conservé leur potentiel’, explique Marcel Trefny, premier auteur de l’étude.
Plus de cellules mémoire
Une autre conclusion de l’étude : au lieu de simplement mourir une fois leur travail terminé, les cellules T se transforment plus souvent en cellules T mémoires. La découverte du rôle de ce gène ouvre de nouvelles voies pour des immunothérapies plus efficaces’, résume Alfred Zippelius.Ces découvertes sont prometteuses, car jusqu’à présent, la plupart des expériences visant à décrire le rôle des gènes dans l’épuisement des cellules T ont été menées sur des cellules de souris. Cependant, les applications thérapeutiques de cette nouvelle approche doivent maintenant être testées cliniquement afin de savoir si l’absence du gène peut entraîner des effets indésirables.
Ce texte est basé sur un communiqué de presse du Fonds national suisse (FNS).
Publication originale
Marcel P. Trefny et. al.
La suppression de SNX9 évite l’épuisement des cellules T CD8 pour une immunothérapie efficace du cancer cellulaire.
Nature Communications (2023), doi : 10.1038/s41467’022 -35583-w