L’avenir de la construction avec un ciment durable

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LC3 cement, natural colour on the right, with colour control on the left. LC3 ce
LC3 cement, natural colour on the right, with colour control on the left. LC3 cement has the potential to significantly reduce global CO2 emissions © 2023 LC3 Project/Stefan Wermuth

Un nouveau matériau développé à l’EPFL pourrait changer à jamais la façon dont nous fabriquons du ciment - et réduire de 500 millions de tonnes les émissions d’ici 2030.

Sous la direction de Karen Scrivener, responsable du Laboratoire des matériaux de construction de l’EPFL à la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur, une équipe de chercheurs s’est penchée sur les implications environnementales du béton, un matériau produit à raison de quatre tonnes par an et par personne sur terre. Le défi? Le ciment, la « colle » du béton, représente 8 % des émissions mondiales. Et le clinker, composant clé du ciment, est extrêmement émetteur de carbone, représentant 90 % des émissions globales de ciment lors de la fabrication du béton. La solution? LC3, abréviation de Limestone Calcined Clay Cement, ou ciment aux argiles calcinées et au calcaire. Le LC3 est une alternative qui offre aussi une durabilité améliorée et une réduction significative des émissions tout en restant rentable. Il est donc impératif de trouver une solution pour réduire les impacts du béton sur le climat tout en répondant aux besoins des économies en croissance.

LC3 : l’innovation qui transforme l’industrie du ciment

Le LC3 s’attaque aux deux sources d’émissions de carbone liées à la fabrication du clinker. Tout d’abord, il remplace la moitié du clinker par de l’argile calcinée et de la roche calcaire moulue. L’argile ne libère pas de carbone lorsqu’elle est chauffée, contrairement au calcaire, et elle est chauffée à une température beaucoup plus basse, ce qui réduit la quantité de combustible nécessaire et les émissions qui en résultent. Avec des températures plus basses, il est également plus facile de passer à des sources d’énergie plus propres telles que l’électricité que de fabriquer du clinker. Le LC3 peut réduire les émissions de CO2 d’environ 40 % par rapport au ciment conventionnel en remplaçant la moitié du clinker.

Le LC3 est également fonctionnel. Il est moins perméable à l’eau et au sel, les routes et les ponts en béton sont donc plus durables avec une durée de vie plus longue, ce qui permet de réduire les coûts et les perturbations que cause leur remplacement. Comme sa fabrication nécessite moins d’énergie et qu’elle utilise de l’argile disponible partout, il peut être produit à un coût jusqu’à 25 % inférieur.

Réduction de 500 millions de tonnes de CO2 d’ici 2030

Le LC3 connaît déjà une croissance rapide et est actuellement produit dans un certain nombre d’usines à travers le monde. Pour chaque tonne d’argile calcinée produite, nous économisons 600 kilogrammes de CO2.

Fin 2023, environ 15 millions de tonnes de CO2 auront pu être économisés grâce au LC3. D’ici 2025, le LC3 devrait avoir permis d’économiser 45 millions de tonnes.

Si l’industrie du ciment adopte largement l’utilisation du LC3, elle peut contribuer à prévenir jusqu’à 500 millions de tonnes d’émissions de CO2 d’ici à 2030.

De nombreux grands cimentiers sont en train d’adopter le ciment aux argiles calcinées et au calcaire. Holcim, par exemple, a annoncé en janvier 2023 qu’une usine en France va fournir jusqu’à 500 000 tonnes de ciment « bas carbone » par an. Argos Cementos, en Colombie, produit 2,3 millions de tonnes de ciment LC3 par an, lequel est déjà utilisé localement dans la construction de routes, de tunnels et de bâtiments.

L’avenir du ciment est dans les pays du Sud

Dans les années et décennies à venir, la majorité des nouvelles constructions à l’échelle mondiale se feront dans les pays du Sud, surtout en Afrique, où la population devrait augmenter d’un milliard d’habitants d’ici à 2050. Cela signifie qu’il y aura une forte croissance de ciment.

L’Afrique a la population qui croît le plus rapidement au monde, mais le calcaire qui convient à la fabrication du clinker est très rare sur le continent. Aujourd’hui, les importations coûteuses de clinker ont un impact direct sur les coûts. Cela pose des problèmes d’accessibilité au logement et aux infrastructures. Heureusement, les argiles sont les produits de l’altération de types de roches courants. Elles sont donc disponibles en abondance dans la plupart des contextes géologiques. Les argiles de type kaolinite, les plus appropriées pour la LC3, sont disponibles en abondance partout en Afrique.

En adoptant la technologie LC3 et en remplaçant une grande partie du clinker par des ressources locales, les pays africains et ceux du Sud peuvent créer des industries locales et en retirer des avantages sur les plans économique et de l’emploi. Le besoin d’importer du clinker avec des devises étrangères se fera de moins en moins sentir, et cela permettra de construire des logements et des infrastructures à moindre coût, tout en limitant les émissions de CO2.

Une chaîne de valeur du béton repensée

Réduire la quantité de clinker dans le ciment réduit les émissions lors de la production du ciment, mais il existe de nombreuses autres stratégies si l’on considère l’ensemble de la chaîne de valeur du béton. En améliorant l’efficacité énergétique des usines et en utilisant des carburants alternatifs tels que les combustibles résiduaires, nous pouvons réduire davantage les émissions de CO2 liées à la production de clinker. En optimisant la granulométrie, on diminue les vides à remplir par la pâte de ciment, ce qui permet de réduire le coût du ciment et les émissions.

Nous pouvons également améliorer la conception et l’efficacité du béton utilisé dans les structures et les bâtiments. L’Association mondiale du ciment et du béton (GCCA) estime que cela pourrait permettre de réduire de 22 % le béton tout en diminuant les coûts. Enfin, adapter certains éléments de conception et augmenter l’efficacité et le recyclage des matériaux réduiront davantage l’impact du béton sur le climat.

Si toutes ces stratégies sont combinées, nous pouvons réduire de 80 % les émissions du ciment et du béton grâce aux technologies actuelles.

Pour atteindre cet objectif, les parties prenantes de l’ensemble du secteur doivent travailler ensemble : cimentiers et bétonniers, entrepreneurs et partenaires commerciaux, équipes de conception et propriétaires. Modifier les pratiques existantes et donner l’impulsion nécessaire à un changement à l’échelle du secteur exige de l’application et de la persévérance. Les secteurs privé et public doivent montrer leur bonne volonté à collaborer entre eux pour faciliter la transition vers un objectif zéro émission nette dans le secteur de la construction, tout en proposant des solutions pour une croissance durable. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une coopération public-privé pour que de véritables solutions soient mises en place.