Les maladies héréditaires rares ne sont pas si rares que ça

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De nombreuses maladies héréditaires rares ne se manifestent que lorsque les deux
De nombreuses maladies héréditaires rares ne se manifestent que lorsque les deux parents transmettent le défaut génétique correspondant. Une nouvelle étude montre que ce dogme n’est pas forcément vrai. (Image : Sangharsh Lohakare, unsplash)
Derrière les maladies rares se cachent souvent des erreurs dans le patrimoine génétique. Si les enfants ne reçoivent un gène défectueux que d’un seul parent, ils sont des "porteurs" asymptomatiques - c’est ce que l’on pensait jusqu’à présent. Une équipe de recherche de l’Université et de l’Hôpital universitaire de Bâle rapporte cependant que les porteurs peuvent également être atteints d’une maladie potentiellement mortelle - et que les maladies héréditaires rares sont donc probablement beaucoup plus fréquentes qu’on ne le pensait jusqu’à présent.

Chaque enfant reçoit un jeu de chromosomes de sa mère et un de son père. Chaque être humain possède donc deux exemplaires de la plupart des gènes, appelés "allèles". De nombreuses maladies héréditaires rares ne se manifestent que lorsque les deux allèles d’un gène sont porteurs d’un défaut. Si un seul est touché, l’autre peut compenser et aucun symptôme n’apparaît. On parle également de maladies héréditaires ’récessives’.

Il s’agit notamment de nombreux troubles immunologiques dus à des mutations dans l’un des 2 500 à 5 000 gènes estimés impliqués dans le système immunitaire. Ceux-ci se manifestent par une sensibilité aux infections ou une auto-immunité, l’attaque immunitaire contre son propre corps.

Les chercheurs de l’équipe de Mike Recher de l’Université et de l’Hôpital universitaire de Bâle montrent à présent, à l’aide d’une maladie héréditaire récessive, que le défaut d’un seul allèle risque également de limiter la fonction du système immunitaire. Jusqu’à présent, de tels cas ont trop souvent été ignorés, en partant du principe que seuls les défauts des deux allèles posent problème’, explique Recher. L’étude, à laquelle ont également participé des chercheurs du Dr Hiroyuki Yamamoto du National Institute for Infectious Diseases (NIID) à Tokyo, Japon, est publiée dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology.

Trop peu d’enzyme pour une fonction complète

Les chercheurs y font état de mutations dans le plan de construction d’une enzyme décisive pour la diversité des anticorps et des lymphocytes T. Des mutations dans les deux allèles de ce gène appelé LIG4 entraînent une perturbation massive des défenses immunitaires et, par conséquent, un risque élevé d’infections graves dès le plus jeune âge.

Les porteurs d’un seul allèle LIG4 défectueux étaient jusqu’à présent considérés comme asymptomatiques. Mais Recher et son équipe du Département de biomédecine rapportent maintenant plusieurs cas où des personnes ont tout de même présenté un tableau clinique grave, mais qui ne rappelle que partiellement la ’maladie maternelle’. Il semble que le seul fait d’avoir un gène LIG4 fonctionnel ne suffise pas", explique l’immunologue.

Des risques non reconnus

Parmi les milliers de gènes impliqués dans le système immunitaire humain, il existe de nombreuses mutations dans un seul allèle, dont l’importance pour le bon fonctionnement des défenses immunitaires au cours d’une vie entière est encore mal connue. Nos résultats et d’autres résultats récents montrent que de tels défauts peuvent être beaucoup plus souvent qu’on ne le pensait à l’origine de troubles immunitaires jusqu’ici inexpliqués’.

Nous supposons que des maladies héréditaires récessives rares ont des équivalents plus fréquents, en partie non décrits, avec des symptômes en partie nouveaux, une tendance à apparaître plus tard dans la vie et un autre modèle de transmission", résume M. Recher. Toutefois, il y aura toujours des porteurs sains. Outre la génétique, des facteurs environnementaux comme les infections ou l’épigénétique jouent un rôle’.

Il est important de prendre en compte les nouvelles connaissances dans le diagnostic. ’Si l’on comprend au niveau moléculaire quel est le problème, des possibilités de traitement très ciblées, souvent avec peu d’effets secondaires, peuvent soudain apparaître, qui ne s’attaquent pas seulement aux symptômes, mais à la cause’.

Publication originale

Annaïse J. Jauch et al.
Autoimmunité et immunodéficience associées à des mutations monoalléliques de LIG4 via l’haploinsuffisance.
Journal of Allergy and Clinical Immunology (2023), doi : 10.1016/j.jaci.2023.03.022

L’Union européenne considère qu’une maladie est rare lorsqu’elle touche moins d’un individu sur 2000. On estime qu’environ 500 millions de personnes dans le monde vivent avec au moins une des plus de 6000 maladies rares connues. Elles peuvent toucher n’importe quel système d’organes et dans au moins 10 % des cas, la fonction immunitaire est altérée.