Le laboratoire CREATE de l’EPFL, dirigé par Josie Hughes, peut se targuer d’une percée dans le domaine de la robotique souple. S’inspirant des mouvements polyvalents de la trompe d’un éléphant et des tentacules d’une pieuvre, l’équipe a conçu un hélicoïde réduit, une structure robotique novatrice qui promet davantage de flexibilité et de contrôle en robotique. S’appuyant à la fois sur des observations judicieuses de la biologie et sur des modèles numériques, les scientifiques viennent de dévoiler un bras robotisé souple capable de réaliser des tâches ardues, tout en interagissant en toute sécurité avec les humains qui l’entourent. Les conclusions, détaillant aussi bien la structure que la méthodologie, résultent d’une collaboration avec le Department of Cognitive Robotics de l’université de technologie de Delft, aux Pays-Bas. Elles ont été publiées dans npj Robotics, la nouvelle revue de Nature.
La professeure Hughes a souligné l’importance de ce développement: «En inventant une nouvelle structure architecturée, l’hélicoïde réduit, nous avons conçu un bras robotique sûr, facile à contrôler et qui est capable de réaliser toute une série de mouvements. Lorsque cette architecture novatrice est associée à des actionneurs distribués sur toute la structure ou dans tout l’appareil, ce bras robotique fait état d’une vaste gamme de mouvement et d’une précision élevée et interagit intrinsèquement en toute sécurité avec les humains.»
Tandis que les robots traditionnels sont rigides, ce qui ne leur permet pas toujours de réaliser des tâches délicates ou d’interagir à proximité directe d’humains, le bras robotique souple de CREATE a été conçu pour interagir en toute sécurité avec les humains et pour s’adapter à une vaste palette de tâches. Associant flexibilité et précision à une échelle inédite, la souplesse du bras réduit les risques pendant les interactions entre les humains et le robot. Celui-ci pourrait alors être déployé dans le secteur de la santé, dans les maisons de retraite et dans bien d’autres applications. Contrairement à ses équivalents rigides, le bras robotique souple est capable de s’adapter à différentes formes et surfaces, ce qui en fait un outil idéal lorsqu’il s’agit de réaliser des tâches complexes telles que la cueillette de fruits ou la manutention d’objets fragiles. Dans l’industrie, il pourrait bel et bien se retrouver sur des chaînes de montage minutieuses aux côtés d’opérateurs humains, augmentant leurs capacités plutôt que de les remplacer. Son habileté pourrait aussi profiter au domaine de l’agriculture pendant les périodes d’intense récolte, au cours desquelles il pourrait alléger la charge de travail des humains.
Le programme de recherche se distingue par l’architecture novatrice du bras robotique. Les chercheurs et chercheuses ont modifié en toute créativité une spirale ressemblant à un ressort, qu’ils appellent «hélicoïde», en réduisant certaines parties pour lui conférer différentes fonctionnalités. Cette opération apparemment simple leur a permis de contrôler avec précision la flexibilité ou la rigidité de la spirale dans différentes directions. En ajustant sa forme, ils peuvent rendre sa partie intérieure résistante à l’écrasement et sa partie extérieure suffisamment flexible pour que l’hélicoïde puisse fléchir. Avec ce design spécial, ils ont conçu un robot souple capable de se déplacer et d’agir de manière inédite et de faire état de la dextérité et du toucher délicat qui existe dans la nature, comme dans une trompe d’éléphant ou dans un tentacule de pieuvre.
«En observant ces animaux et en développant une structure architecturée novatrice, nous cherchons à imiter cette palette de mouvements et de caractéristiques de maîtrise présents dans la nature», a déclaré Josie Hughes. Pour y parvenir, l’équipe s’est appuyée sur des méthodes de modélisation numériques avancées pour convertir ses observations en résultats tangibles. Grâce à ces modèles, les scientifiques ont testé par itérations leurs conceptions innovantes en forme de spirales pour aboutir à une forme hélicoïdale finale réduite. Qinghua Guan et Francesco Stella, qui ont dirigé le développement du robot, ont expliqué le processus de conception et d’optimisation: «Nous introduisons une surface spécifique dans le modèle numérique, avant de le réduire et de l’ajuster. Des méthodes de calcul nous guident et nous aident à évaluer la structure géométrique optimale pour maximiser l’espace de travail et la flexibilité.» Le résultat? Une créature robotique qui s’inspire de la nature, mais qui a été affinée grâce à une ingéniosité humaine précise et à la modélisation numérique. «En fin de compte, nos modèles numériques ont été si précis que nous avons pu nous contenter de construire une seule version du bras.»
Les progrès accomplis par le laboratoire CREATE de l’EPFL témoignent d’un bouleversement en robotique. Les applications robotiques traditionnelles, dominées par des mécanismes rigides, pourraient évoluer en direction de cette approche plus souple et plus proche du corps humain. Un brevet a été déposé pour ce premier préhenseur souple commercial et une start-up, Helix Robotics, a été fondée conjointement par l’EPFL et par l’université de technologie de Delft (Pays-Bas). Comme le résume si justement Josie Hughes, «des observations judicieuses de phénomènes naturels associées à des modèles numériques précis nous ont permis de révéler le potentiel de la robotique souple en vue d’applications commerciales futures. À l’avenir, nous voulons rapprocher les robots des humains, renforcer la compréhension mutuelle et favoriser la collaboration entre eux et nous. Nous espérons que ce bras robotique souple permettra de faire émerger un futur dans lequel les machines assistent, complètent et comprennent les besoins humains mieux que jamais auparavant.»
La professeure Josie Hughes présentera le robot Helix ainsi que plusieurs autres de ses créations lors de la journée suisse de la robotique ( Swiss Robotics Day ) à l’ETHZ le 3 novembre. De nombreux autres professeurs de l’EPFL présenteront leurs travaux. La journée est dédiée au meilleur de la robotique suisse à travers l’industrie, les startups, les universités, les laboratoires de recherche, les organisations à but non lucratif et le gouvernement. L’événement comprend des intervenants de haut niveau (Boston Dynamics, Disney) et des panélistes, ainsi que des présentations de startups et plus de 50 stands d’exposition avec des démonstrations en direct.