Comment les infections fongiques provoquent une septicémie

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Le candida albicans. © DataBase Center for Life Science (DBCLS), Wikimedia Commo
Le candida albicans. © DataBase Center for Life Science (DBCLS), Wikimedia Commons

Une septicémie due à une infection fongique est un danger mortel. Des chercheurs de l’Université de Berne ont découvert un mécanisme qui permet à une levure de se propager plus facilement dans l’organisme. C’est justement le système immunitaire qui joue un rôle principal dans ce processus. Ces découvertes pourraient ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques pour les septicémies dues à des levures, mais aussi pour d’autres infections fongiques internes.

En temps normal, la levure Candida albicans est un colocataire inoffensif de nos muqueuses. Près de la moitié de la population en est colonisée sans s’en rendre compte. Tant que le système de défense de l’organisme est intact, il tient facilement le champignon en échec. La situation devient dangereuse lorsque le système immunitaire est affaibli. Cela peut par exemple être le cas lors de maladies comme le SIDA ou lors de la prise de médicaments qui suppriment les défenses immunitaires.

Chez les personnes dont le système immunitaire est sain, les interventions chirurgicales, entre autres, qui blessent la barrière des muqueuses, peuvent favoriser la propagation de Candida albicans. Une fois que la levure se trouve dans la circulation sanguine, elle peut provoquer un empoisonnement du sang (septicémie) et entraîner ainsi des lésions permanentes des organes internes : Un tiers à la moitié des patients ne survivent pas à une telle septicémie fongique.

La réponse naturelle du système immunitaire à l’intrusion d’agents pathogènes est une réaction inflammatoire. Un système de contrôle sophistiqué veille à ce que seuls les envahisseurs soient combattus, sans attaquer simultanément les tissus sains. Une protéine spécifique, appelée antagoniste du récepteur de l’interleukine 1, joue un rôle clé dans ce processus. Cette protéine est l’antagoniste naturel de l’interleukine 1, une substance de signalisation qui favorise les inflammations. Elle empêche cette dernière de dépasser son objectif et de déclencher des réactions inflammatoires incontrôlées.

Un anti-inflammatoire affaiblit les défenses immunitaires

Une nouvelle étude dirigée par Stefan Freigang, de l’Institut de médecine tissulaire et de pathologie (IGMP) de l’Université de Berne, indique que l’antagoniste du récepteur de l’interleukine 1 (IL-1Ra), malgré sa fonction anti-inflammatoire, contribue à favoriser la propagation du Candida albicans. Ce sont surtout les IL-1Ra produits par les cellules dites phagocytaires (macrophages) qui semblent jouer un rôle important. Chez la souris, les chercheurs ont pu montrer que la quantité de ces protéines anti-inflammatoires augmentait dans les phagocytes lorsque Candida albicans pénétrait dans la circulation sanguine et qu’elles perturbaient par la suite les défenses immunitaires. Elles inhibaient en effet la production et l’essaimage des neutrophiles, un sous-groupe de globules blancs. Les neutrophiles constituent une barrière précoce importante contre les infections, en patrouillant régulièrement dans les vaisseaux sanguins pour éliminer les agents pathogènes qui y ont pénétré.

Les souris génétiquement sélectionnées pour que leurs cellules phagocytaires ne produisent plus de protéines anti-inflammatoires disposaient d’un arsenal intact de neutrophiles. En conséquence, elles ont pu combattre avec succès une infection par Candida albicans en peu de temps. En revanche, dans le groupe de contrôle composé de souris normales qui produisaient les protéines anti-inflammatoires, les champignons ont pu se propager en raison de l’inhibition des neutrophiles.

Il est intéressant de noter que la perte des protéines anti-inflammatoires n’a pas conduit à un excès de la réponse inflammatoire, comme on aurait pu s’y attendre, mais à une diminution. Nous expliquons cela par le fait qu’il y avait suffisamment de neutrophiles pour éliminer la levure avant qu’elle ne déclenche une réaction inflammatoire pathogène’, explique Stefan Freigang.

Si moins de protéines anti-inflammatoires sont produites, les neutrophiles, qui constituent la "première ligne de défense", peuvent faire leur travail sans être perturbés. Mais si les protéines sont produites par les macrophages, la défense immunitaire s’affaiblit. De telles interactions complexes et dynamiques du système immunitaire ne peuvent être reproduites que dans un organisme vivant, ce qui nécessite dans ce cas l’expérimentation animale avec des souris génétiquement modifiées et des souris normales comme groupe de contrôle.

Une approche thérapeutique possible

Les résultats de la recherche des chercheurs bernois pourraient permettre de nouvelles approches thérapeutiques à l’avenir. La septicémie fongique reste difficile à traiter et s’accompagne d’un taux de mortalité élevé. Pour pouvoir développer des stratégies de traitement plus efficaces, il faut mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de la maladie’, explique Stefan Freigang. Dans une prochaine étape, les chercheurs souhaitent confirmer les observations faites sur le modèle de souris à l’aide d’échantillons de patients et examiner si la protéine spécifique favorise également les infections par Candida albicans chez l’homme. Si cela se confirme, des substances actives dirigées contre la protéine pourraient être utilisées comme nouvelle stratégie de lutte contre la levure et éventuellement aussi contre d’autres infections fongiques’, conclut Freigang.

Les résultats de la recherche ont été publiés dans la revue spécialisée Immunity.