à l’heure des tumeurs

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Concept d’artiste de l’exoplanète SPECULOOS-3 b en orbite autour de son étoile naine rouge ultra-froide. La planète est aussi grosse que la Terre, tandis que son étoile est légèrement plus grande que Jupiter, mais beaucoup plus massive. Crédit : NASA/JPL-Caltech

Une équipe internationale d’astronomes - dont font partie des membres du PRN PlanetS , de l’Université de Genève et de l’Université de Berne (UNIBE) - a découvert, pour la seconde fois seulement, une exoplanète de la taille de la Terre (SPECULOOS-3 b) autour d’une étoile ultra-froide de type Naine Rouge. Les Naines Rouges représentent 70% des étoiles de notre galaxie. La petite taille et la luminosité plus faible de ces astres facilitent l’analyse d’éventuelles planètes en orbite. Ces systèmes planétaires intéressent d’ailleurs particulièrement les astronomes travaillant sur les questions de la vie dans l’Univers et notamment celles et ceux du Centre pour la Vie dans l’Univers de l’Université de Genève. La découverte de SPECULOOS-3 b est publiée aujourd’hui dans la revue Nature Astronomy.

L’exoplanète SPECULOOS-3 b se trouve à environ 55 années-lumière de la Terre (ce qui est relativement proche) et sa taille est pratiquement la même que celle de la planète bleue. La comparaison s’arrête là puisque la nouvelle venue fait le tour de son étoile en seulement 17 heures et les jours et les nuits ne se terminent peut-être jamais. En effet, la planète est certainement verrouillée par les effets de marée, de sorte que le même côté, appelé côté jour, fait toujours face à l’étoile, comme la Lune pour la Terre. Le côté nuit serait, quant à lui, enfermé dans une obscurité sans fin.

Malgré ces ’ quelques ’ différences avec notre Terre, ce type de planète intéresse particulièrement les astronomes et en particulier ceux et celles du Centre pour la Vie dans l’Univers (CVU). ’ SPECULOOS-3 b est en orbite autour d’une étoile de type naine rouge, confirme émeline Bolmont , professeure assistante au département d’astronomie de l’Université de Genève, directrice du CVU et co-autrice de l’étude. La petite taille de ces étoiles facilite la détection autour d’elles des petites planètes de la taille de la Terre et surtout l’observation d’éventuelles atmosphères planétaires. De nombreuses études montrent que la vie pourrait se développer sur les planètes orbitant autour des naines rouges. Elles sont donc des candidates idéales pour nous. ’

Plus de 70 % des étoiles de la Voie lactée sont des naines M, également appelées naines rouges. Ces étoiles sont froides et peu lumineuses par rapport à notre Soleil mais elles vivent très longtemps. Les étoiles comme notre Soleil brûlent pendant environ 10 milliards d’années avant de se transformer en géantes rouges qui dévorent toutes les planètes trop proches. Les naines M brûlent pendant 100 milliards d’années ou plus, offrant peut-être un point d’ancrage à la vie et une fenêtre encore plus longue pour son développement.

Avec une température moyenne d’environ 2 600 °C, l’étoile SPECULOOS-3 est plus froide de plusieurs milliers de degrés que notre soleil (5 500 °C). Détecter un tel astre - sans même parler d’une planète qui lui tourne autour - est un exploit en soi puisqu’il est plus de mille fois moins lumineux que le Soleil. SPECULOOS-3 appartient en effet à la sous-classe des étoiles ultra-froides, les plus sombres et les plus durables. Lorsque l’univers deviendra glacial et obscur, ces étoiles seront les dernières à brûler.


Comme ces étoiles ultra-froides sont très peu lumineuses, leur population planétaire est aujourd’hui largement inexplorée. Le projet SPECULOOS (Search for Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars), dirigé par Michael Gillon de l’Université de Liège, en Belgique, a été conçu pour changer cela. Les étoiles naines ultra-froides sont dispersées dans le ciel, et il faut donc les observer une par une, pendant des semaines, pour avoir une bonne chance de détecter des planètes en transit. Pour cela, il faut un réseau dédié de télescopes professionnels. C’est le concept de SPECULOOS.

Parmi les télescopes de ce réseau, le télescope robotique SAINT-EX a été financé en partie par les Universités de Genève et de Berne, les deux institutions hôtes du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS qui a aussi contribué financièrement au projet. En plus de SAINT-EX, SPECULOOS a conclu des partenariats avec les universités de Cambridge, Birmingham, le Massachusetts Institute of Technology et l’ETH Zürich.

En raison de son orbite très courte, la planète SPECULOOS-3 b reçoit près de 16 fois plus d’énergie par seconde de son étoile que la Terre de la part du Soleil. Elle est littéralement bombardée de rayonnements de haute énergie. La planète n’évolue donc pas dans la zone habitable (l’endroit où l’eau liquide peut exister à la surface d’une planète) de l’étoile, contrairement à certaines planètes d’une autre naine rouge ultra-froide, TRAPPIST-1, dont le système a été découvert en 2015 par le télescope TRAPPIST.

Bien que trop proche de son étoile pour avoir de l’eau liquide, SPECULOOS-3 b n’en reste pas moins intéressante pour les astronomes. ’ Cette planète est une cible idéale pour le télescope spatial James Webb (JWST), elle est même meilleure que les planètes de TRAPPIST-1 , confirme émeline Bolmont. Le JWST devrait pouvoir déterminer si la planète a pu garder une atmosphère malgré la proximité de son étoile. Si on en trouve une sur cette planète fortement irradiée, cela donne bon espoir qu’il en existe aussi sur les planètes de la zone habitable de TRAPPIST-1. ’