Pour les travailleurs entre 20 et 65 ans, la solidarité dans la prévoyance est importante, notamment dans l’AVS. Mais elle est également importante dans le 2e pilier. C’est ce que montre une étude de la Haute école de Lucerne.
La Haute école de Lucerne (HSLU) a de nouveau sondé la population suisse sur le thème de la prévoyance vieillesse. Cette année, le "DIALOGUE sur la prévoyance" a mis l’accent sur le thème de la solidarité. Ceci également dans le contexte de la votation sur la 13e rente AVS, acceptée par le peuple et les cantons le 3 mars 2024, et de la votation à venir sur la réforme de la LPP.
Par solidarité, l’étude entend les effets de redistribution aussi bien des personnes à hauts revenus vers les personnes à bas revenus que des jeunes vers les personnes âgées. Dans l’ensemble, les résultats de l’étude montrent que la solidarité dans la prévoyance vieillesse est importante pour de nombreux assurés, mais on constate également des différences entre le 1er et le 2e pilier. De plus, de nombreuses personnes interrogées ne sont pas en mesure d’évaluer l’ampleur de la redistribution déjà existante.
Une immense solidarité dans l’AVS
La solidarité dans le 1er pilier est grande : une grande majorité veut éviter la pauvreté des personnes âgées et la financer de manière solidaire. Seul 1 % des personnes interrogées ne veut pas financer cette mesure. "Cette forte solidarité reflète le rôle de l’AVS comme instrument de redistribution pour les personnes aux revenus les plus faibles", explique la responsable de l’étude, Yvonne Seiler Zimmermann. Plus de la moitié des personnes interrogées sont en outre d’avis que les retraités ne doivent pas être pénalisés par des réductions de rentes en cas d’assainissement potentiel du 1er pilier. Les personnes interrogées sont également d’accord, à 70%, pour dire que la famille ne doit pas être la seule à payer pour une redistribution. "Éviter la pauvreté des personnes âgées est clairement perçu comme une responsabilité de la société", explique l’économiste de la HSLU.
Le financement par la TVA est moins bien accueilli
Plus d’un tiers (36%) des personnes interrogées se prononcent en faveur d’une redistribution encore plus importante dans l’AVS. "C’est remarquable", dit Seiler Zimmermann, "car avec la 13e rente AVS acceptée cette année, la redistribution a déjà été fortement augmentée". En outre, l’étude montre que davantage de personnes souhaitent que la redistribution passe par des cotisations salariales plus élevées (26 pour cent) plutôt que par un financement par la TVA (21 pour cent) ou par des contributions de la Confédération et des cantons (17 pour cent). Toutefois, avec 31 pour cent, de nombreuses personnes sont également d’avis que l’ampleur de la redistribution dans l’AVS est juste.
Par ailleurs, il apparaît également que de nombreuses personnes interrogées n’ont pas d’avis tranché sur l’ampleur de la redistribution actuelle : la part des "ne sait pas" varie entre 25 et 39 pour cent selon le type de prestation. "Cela pourrait indiquer que de nombreux assurés ne sont pas du tout conscients de l’ampleur de la redistribution", explique l’experte en prévoyance.
2e pilier : une approbation surprenante
Dans le 2e pilier, la solidarité n’est pas la même dans tous les groupes socio-économiques : 42% des personnes interrogées estiment qu’une redistribution dans le 2e pilier est justifiée. Une courte majorité s’y oppose. "Nos modèles statistiques montrent que les personnes qui sont favorables à une telle redistribution sont plus susceptibles d’être financièrement moins bien loties", explique la responsable de l’étude. Ou, en d’autres termes, la solidarité est moins forte dans le 2e pilier pour les personnes ayant un revenu plus élevé que pour celles ayant un revenu plus faible. Même si la solidarité est nettement plus faible dans le 2e pilier que dans le 1er pilier, l’économiste de la HSLU est tout de même surprise par son ampleur : "Contrairement à l’AVS, le 2e pilier permet d’épargner par capitalisation. Cela signifie qu’il ne permet pas d’atteindre les objectifs de la politique sociale. Certes, il y a plus de voix contre la redistribution dans le 2e pilier que de voix en faveur, mais la solidarité doit tout de même être considérée comme élevée", déclare Seiler Zimmermann. La redistribution est notamment approuvée lorsque les bas revenus ne sont pas dus à une réduction volontaire du taux d’occupation, mais à des salaires horaires plus bas.
Un peu plus de la moitié (54%) est contre une participation des retraités - indépendamment de leur revenu - à un assainissement de l’institution de prévoyance sous forme de réduction des rentes. En revanche, une participation à partir d’un certain revenu minimum recueille davantage de suffrages : Seuls 28 % des personnes interrogées s’y opposent. Là encore, un fossé sociodémographique se dessine : Les personnes âgées, les personnes disposant d’une faible fortune, mais aussi les personnes ayant suivi une formation financière sont plus enclines à s’opposer à une participation des retraités à l’assainissement.
La conscience de la prévoyance reste faible
Outre le thème central de la solidarité, l’étude s’est à nouveau penchée cette année sur la conscience financière et de prévoyance des personnes assurées dans le cadre du 2e pilier. "La conscience de la prévoyance ne s’est malheureusement pas améliorée, bien qu’elle ait fait l’objet de nombreux débats l’année dernière et cette année dans le cadre de grandes votations", explique la responsable de l’étude.
Comme l’année dernière, les connaissances en matière de prévoyance sont modestes malgré un intérêt élevé. "Il est à nouveau remarquable que les lacunes de connaissances soient particulièrement élevées dans le domaine de la prévoyance vieillesse personnelle", explique Seiler Zimmermann. Plus de la moitié des personnes interrogées pensent à tort que tout le monde peut cotiser au pilier 3a - même sans revenu professionnel. De même, près de la moitié serait d’avis qu’un versement dans le 2e pilier est possible dans tous les cas, même s’il existe diverses restrictions à cet égard.
Selon lui, le problème ne vient pas en premier lieu du fait que des personnes déclarent ne pas savoir quelque chose. "Ces personnes sont conscientes qu’elles ne savent pas quelque chose et peuvent s’informer en conséquence si nécessaire", explique Seiler Zimmermann. "En revanche, si une personne n’est pas consciente que ses connaissances sont incomplètes ou erronées, elle ne s’informera pas. Les conséquences sont inévitables : de mauvaises décisions sont prises", prévient l’experte en prévoyance.
DIALOGUE sur la prévoyance 2024
L’Institut de services financiers de Zoug de la Haute école de Lucerne étudie chaque année l’état actuel des connaissances de la population suisse en matière de finances et de prévoyance vieillesse. Les analyses se basent sur une enquête représentative menée dans toute la Suisse auprès de 1’245 personnes actives âgées de 20 à 65 ans et employées par une entreprise.