Pour faire face au changement climatique et au bostryche, on plante de plus en plus de feuillus dans les forêts suisses. Leur bois devrait être utilisé si possible plusieurs fois (et longtemps) avant de finir comme bois de chauffage et de libérer à nouveau dans l’atmosphère le CO2 stocké. Actuellement, le bois de feuillus produit est toutefois encore trop souvent utilisé directement à des fins énergétiques. Des idées innovantes pour une utilisation en cascade plus durable sont donc nécessaires. L’une des possibilités est de doter le matériau naturel de nouvelles propriétés - en termes techniques, de fonctionnalités - et de le transformer par exemple en bois magnétique, imperméable ou générateur d’électricité.
Actuellement, l’équipe du chercheur en mycologie Francis Schwarze du laboratoire "Cellulose & Wood Materials" de l’Empa à Saint-Gall poursuit une autre idée pour un nouveau matériau composite à base de bois de feuillus : le bois lumineux. Outre des applications dans le domaine technique, le bois lumineux pourrait être transformé en meubles design ou en bijoux.
Le biotechnologue Francis Schwarze a déniché les champignons lumineux dans la nature, les a analysés en laboratoire et a déchiffré leur code génétique. L’armillaire sans anneau (Desarmillaria tabescens) s’est révélé particulièrement performant. Après des essais préliminaires avec différentes essences de bois, Francis Schwarze a commencé avec du bois de balsa (Ochroma pyramidale), un bois à la densité particulièrement faible. Grâce à la spectroscopie, les chercheurs ont observé comment le champignon dégrade la lignine dans les échantillons de balsa, responsable de la rigidité et de la résistance à la pression. Les analyses de diffraction des rayons X ont montré que la stabilité du bois ne disparaissait pas pour autant : la cellulose, qui assure la résistance à la traction dans le bois, est restée intacte.
Le biohybride de champignon et de bois déploie sa luminosité maximale après avoir été placé pendant trois mois dans un incubateur. Desarmillaria tabescens aime particulièrement l’humidité : Les échantillons de bois de balsa ont absorbé huit fois leur poids en humidité pendant cette période. Au contact de l’air, la réaction enzymatique commence enfin dans le bois.
La lueur déploie toute sa splendeur après dix heures, une lumière verte d’une longueur d’onde de 560 nanomètres étant émise, comme l’a déterminé la chercheuse de l’Empa Giorgia Giovannini du laboratoire "Biomimetic Membranes and Textiles" lors d’analyses par spectroscopie de fluorescence. Actuellement, ce processus fascinant dure environ 10 jours "Nous optimisons maintenant les paramètres de laboratoire afin d’augmenter encore la luminosité à l’avenir", explique le chercheur de l’Empa.
La bioluminescence naturelle
Dans la nature, la bioluminescence est présente chez les organismes les plus divers. La lumière est produite grâce à des processus chimiques qui dégagent de l’énergie sous forme de lumière et de chaleur. Si l’on compare les réactions produisant de la lumière dans la nature sur la base de leur rendement quantique, la luciole l’emporte avec une valeur de 40%, les méduses lumineuses avec 17% et les champignons lumineux avec 2%.Plus de 70 espèces de champignons présentent une bioluminescence. Ils produisent une lueur appelée "foxfire" dans le bois en décomposition. Derrière ce terme se cache un mélange franco-anglais de "faux" et de "fire" signifiant "faux feu". L’objectif de la bioluminescence chez les champignons n’est pas tout à fait clair. Il est possible qu’elle attire les insectes afin de répandre les spores des champignons.
Il est difficile de trouver du bois lumineux dans la nature, car les sources de lumière artificielle omniprésentes rendent la recherche difficile la nuit. Francis Schwarze, chercheur à l’Empa, conseille de chercher du bois mort sous des feuilles d’automne humides dans une forêt mixte de hêtres par une nuit d’automne sans lune. Avec un peu de chance, c’est là que l’on peut découvrir le champignon et son repas de bois lumineux.
Le petit calmar Watasenia scintillans ne mesure que huit centimètres, mais il est très fort en matière de camouflage : des cellules émettrices de lumière sont disséminées sur sa face inférieure.
Ces photophores déroutent les poissons prédateurs qui vivent au fond de la mer. En regardant vers le haut en direction de la surface de l’eau, les prédateurs ne peuvent ainsi pas repérer le calmar lumineux.
Ces insectes, qui peuvent mesurer jusqu’à deux centimètres, se retrouvent pour s’accoupler grâce à leur lumière. Les lucioles n’ont pas seulement un abdomen translucide, elles portent également une couche réfléchissante à l’intérieur.
Ce "miroir intégré" projette en outre la bioluminescence vers l’extérieur. Ainsi, Lampyris noctiluca est la grande "lampe" parmi les êtres vivants bioluminescents.
On l’appelle le champignon du miel ou l’armillaire, et il fait partie des êtres vivants les plus étonnants de la planète. Il peut pousser sur le sol de la forêt sous sa forme classique de champignon, simplement orné d’une bande décorative autour du stipe, comme un bracelet, ce qui lui donne son nom latin "armillaria". En revanche, son réseau de brins noirs, qu’il étire sur le bois et le sol, est bien plus impressionnant. Les filaments du champignon se rassemblent en faisceaux épais de plusieurs mètres, entourés d’une couche protectrice noire contenant de la mélanine. Ces rhizomorphes sont à la recherche de nouveaux habitats et de nouvelles sources de nourriture. Le plus grand être vivant du monde, un réseau d’armillaire vieux d’environ 2400 ans, s’étend sur plusieurs kilomètres carrés dans l’État américain de l’Oregon. Le plus grand champignon d’Europe se trouve en Suisse, à l’Ofenpass. Cet armillaire, qui a tout de même 1000 ans, couvre une surface équivalente à 50 terrains de football.