Des avancées considérables en matière de recherche pour le traitement du cancer ont été réalisées par le laboratoire de biomatériaux pour l’immunoingénierie de Li Tang , au sein de la faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL. En laboratoire, cette thérapie innovante par cellules CAR-T élimine systématiquement les tumeurs cancéreuses chez les souris. Dans le cadre d’essais cliniques en cours, cette thérapie semble engendrer une rémission complète chez les onze patients traités, soit un taux de réussite de 100%. Les résultats de l’étude de laboratoire, publiés dans la revue Nature Biotechnology , laissent notamment entrevoir l’efficacité de la thérapie sur le long terme et le caractère plus rapide et moins onéreux de sa préparation par rapport aux méthodes actuelles.
En substance, la thérapie par cellules CAR-T consiste à modifier des lymphocytes T pour cibler et éliminer les cellules cancéreuses. Ces cellules T modifiées, qui constituent une réelle innovation par rapport aux traitements actuels, sont équipées de récepteurs antigéniques chimériques (CAR) capables de reconnaître les cellules cancéreuses et de s’y accrocher. «Nous avons amélioré la thérapie par cellules CAR-T en concevant une cellule immunitaire renforcée, plus robuste, particulièrement efficace pour cibler et éliminer les cellules tumorales», explique Li Tang. La commercialisation du traitement est dans le viseur de la start-up Leman Biotech, cofondée par le professeur Tang et Yugang Guo, coauteur de la publication. La société a déjà réuni d’importants capitaux lors de ses premières levées de fonds.
Les thérapies conventionnelles par cellules CAR-T, par ailleurs efficaces sur les cancers hématologiques, font face à des difficultés contre les tumeurs solides: les cellules s’épuisent et ne parviennent finalement pas à éradiquer le cancer. Les recherches audacieuses menées par le professeur Tang ouvrent de nouvelles perspectives pour ces immunothérapies innovantes. En effet, il a mis au point des cellules CAR-T sécrétant de l’IL-10, une molécule qui est absorbée par les cellules T modifiées. En d’autres termes, la cellule est conçue pour produire son propre remède afin de rester viable dans un environnement tumoral hostile.
Il est intéressant de noter que l’IL-10 est habituellement considérée comme un immunosuppresseur. Mais au lieu de l’utiliser à cette fin, le professeur Tang et son équipe ont tiré parti de ses capacités uniques de renforcement métabolique. Cette innovation, qui permet de booster le métabolisme des cellules CAR-T, fonctionne immédiatement sur les tumeurs existantes et semble empêcher la réapparition de nouvelles tumeurs.
Même après leur réinjection dans les souris, les cellules tumorales n’ont pas réussi à s’installer ou à présenter une quelconque malignité, ce qui montre bien l’efficacité du traitement sur le long terme: le système immunitaire reste réactif et parvient à neutraliser efficacement toute nouvelle menace de récidive. «Les résultats obtenus dans mon laboratoire sont très encourageants», affirme Li Tang. «Nous sommes persuadés que cette technologie est capable de sauver des vies, comme elle l’a déjà fait pour les 12 patients ayant participé à notre étude.»
Même si les thérapies actuelles par cellules CAR-T se sont avérées efficaces et que différentes options de traitement sont aujourd’hui disponibles pour la leucémie et d’autres cancers liquides, celles-ci restent extrêmement onéreuses: le coût d’un seul traitement dépasse les 500 000 dollars. À l’inverse, le coût associé de cette future thérapie pourrait être bien moins élevé, car cinq pour cent de la dose normale suffisent à susciter une guérison complète. Les dépenses sont principalement liées à la fabrication de ces cellules T modifiées, qui doivent l’être en quantité relativement importante et dans des laboratoires coûteux. «Une petite quantité de sang prélevée sur le patient suffit à produire assez de cellules pour mettre au point une thérapie par cellules CAR-T à l’aide de notre technologie», précise le chercheur. «Il est alors possible de lui réinjecter ces cellules dès le lendemain. Ce traitement, bien plus abordable et plus rapide à produire, permettrait en fin de compte de sauver plus de vies.» L’équipe de Tang et Leman Biotech travaillent actuellement à la réalisation de cet objectif.