Des fibres sans mauvaise conscience

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Le chercheur de l’Empa Dirk Hegemann développe un procédé d’enductio
Le chercheur de l’Empa Dirk Hegemann développe un procédé d’enduction au plasma pour des textiles respectueux de l’environnement. Image : Empa

Vestes de pluie, maillots de bain ou tissus d’ameublement : les textiles aux propriétés hydrofuges nécessitent une imprégnation chimique. Les produits chimiques à base de PFAS contenant du fluor sont certes efficaces, mais ils nuisent à la santé et s’accumulent dans l’environnement. Les chercheurs de l’Empa développent maintenant un procédé avec des substances alternatives qui permet de produire des fibres textiles hydrofuges respectueuses de l’environnement. Les premières analyses le montrent : Les "bonnes" fibres repoussent davantage l’eau et sèchent plus rapidement que celles des produits traditionnels.

Si un maillot de bain doit conserver sa forme après la baignade et sécher rapidement, il doit combiner deux caractéristiques : Il doit être élastique et ne doit pas s’imbiber d’eau. Dans l’industrie textile, un tel effet hydrofuge peut être obtenu en traitant les textiles avec des produits chimiques qui confèrent au vêtement élastique des propriétés dites hydrophobes. Dans les années 1970, on a commencé à utiliser à cet effet de nouveaux composés fluorés synthétiques - des composés qui semblaient offrir d’innombrables possibilités d’application, mais qui se sont révélés par la suite extrêmement problématiques. En effet, ces composés fluorocarbonés, ou PFAS, s’accumulent dans l’environnement et nuisent à la santé (voir encadré). C’est pourquoi les chercheurs de l’Empa développent, en collaboration avec des entreprises textiles suisses, des procédés alternatifs respectueux de l’environnement qui permettent de rendre toutes les fibres hydrofuges. Dirk Hegemann, du laboratoire "Advanced Fibers" de l’Empa à Saint-Gall, explique le projet soutenu par Innosuisse : "Nous utilisons ce que l’on appelle des siloxanes hautement réticulés, qui produisent des couches semblables à celles du silicone et qui - contrairement aux PFAS contenant du fluor - sont inoffensifs".

Les installations de revêtement par plasma de l’Empa vont des modèles de table pratiques aux appareils qui remplissent toute la pièce. Pour le revêtement des fibres, les siloxanes sont pulvérisés et activés dans un gaz réactif. De cette manière, ils conservent leurs propriétés fonctionnelles et entourent les fibres textiles d’une enveloppe hydrofuge de seulement 30 nanomètres d’épaisseur. Les fibres ainsi enduites peuvent ensuite être transformées en textiles hydrofuges de toutes sortes, par exemple en vêtements ou en textiles techniques comme les tissus d’ameublement.

L’avantage par rapport aux procédés chimiques humides traditionnels : Même dans le cas de textiles à structure complexe, la répartition sans faille des substances hydrophobes est garantie jusque dans toutes les spires des fibres entrelacées. C’est un point central, car il suffirait d’un minuscule endroit mouillable pour que l’eau s’infiltre dans les profondeurs d’un maillot de bain et empêche ainsi le séchage rapide du vêtement. "Nous avons même réussi à imprégner durablement des fibres élastiques plus exigeantes avec ce nouveau procédé, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent", explique le chercheur de l’Empa Dirk Hegemann.

PFAS contenant du fluor : un poison éternel

Les PFAS, composés alkylés peret polyfluorés, sont un groupe de produits chimiques synthétiques qui, grâce à leur capacité à repousser l’eau, l’huile et la graisse, ont de multiples applications. Depuis les années 1970, ils sont par exemple utilisés dans la production de vêtements fonctionnels, d’extincteurs et de poêles à frire. Comme les substances à base de carbone et de fluor ne se dégradent pas, mais s’accumulent dans l’environnement et finalement dans le corps humain, on les appelle "produits chimiques éternels". Chez l’homme et l’animal, ces substances sont soupçonnées de provoquer divers problèmes de santé, comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, l’obésité ou les troubles du développement. Certains PFAS sont déjà interdits, d’autres pourraient suivre.

Dans les premières analyses de laboratoire, les textiles fabriqués à partir des nouvelles fibres avec un revêtement respectueux de l’environnement donnent déjà des résultats légèrement meilleurs que les tissus traditionnels enduits de PFAS. La quantité d’eau absorbée est plus faible, le temps de séchage est plus court. Mais les propriétés miraculeuses de l’enduction sans fluor n’apparaissent vraiment qu’après plusieurs lavages des textiles : alors que textiles extensibles avec une imprégnation PFAS traditionnelle souffrent déjà nettement, la fibre sans fluor reste à un niveau élevé. Elle est ainsi deux fois plus déperlante malgré les sollicitations et sèche beaucoup plus efficacement.

Dick Hegemann et son équipe s’emploient maintenant à faire évoluer le procédé de laboratoire sans fluor vers des processus industriels performants et économiquement viables. "L’industrie est très intéressée par la recherche d’alternatives durables aux PFAS", explique Dick Hegemann. Les entreprises textiles suisses Lothos KLG, beag Bäumlin & Ernst AG et AG Cilander sont donc déjà à bord lorsqu’il s’agit de développer des textiles écologiques sans fluor. "Une collaboration réussie qui combine les matériaux, la technologie des fibres et l’enduction plasma pour aboutir à une solution innovante, durable et efficace", déclare par exemple Dominik Pregger de Lothos. Bernd Schäfer, CEO de beag, ajoute : "La technologie est respectueuse de l’environnement et dispose en même temps d’un potentiel économique intéressant".