La miniaturisation des puces informatiques est un facteur essentiel de la révolution numérique. Elle permet de réduire la taille des ordinateurs et d’augmenter leurs performances. C’est ce qui rend possible la conduite autonome, l’intelligence artificielle et la norme 5G pour la téléphonie mobile. Un groupe de travail, emmené par Dimitrios Kazazis et Yasin Ekinci au Laboratoire de nanosciences et technologies des rayons X à l’Institut Paul Scherrer PSI, vient de développer une technique novatrice qui permet de fabriquer des modèles de circuits encore plus denses. Les micro-puces les plus modernes ont actuellement des pistes conductrices espacées de seulement douze nanomètres, c’est-à-dire environ 6000 fois plus fines qu’un cheveu humain. Les scientifiques, eux, ont produit des conducteurs espacés de 5 nanomètres seulement, soit 13 000 fois plus fins qu’un cheveu. Cela permet d’agencer les circuits de manière beaucoup plus compacte qu’auparavant. «Notre travail démontre les possibilités de structuration avec la lumière et prouve ce qui peut être réalisé avec la lumière, explique Iason Giannopoulos. Cela représente une étape importante, aussi bien pour l’industrie que pour la recherche.»
Produire les puces comme on produisait des images au cinéma
En 1970, une micropuce pouvait accueillir seulement une centaine de transistors. Aujourd’hui, une puce pas plus grande que le bout du doigt comporte quelque 60 milliards d’éléments. Ces composants sont produits à l’aide d’une exposition appelée photolithographie: un fin disque de silicium, le «wafer», est enduit d’une couche photosensible, appelée résine photosensible ou «photoresist» en anglais. On procède ensuite à l’exposition qui correspond au schéma de construction de la puce et modifie les propriétés de la résine photosensible. Celle-ci devient ainsi soluble ou insoluble dans certains solvants. Les processus suivants éliminent soit les parties exposées (procédé positif), soit les parties non exposées (procédé négatif). Pour finir, il ne reste sur le wafer plus que le motif de câblage souhaité avec les conducteurs.La lumière utilisée est décisive pour la miniaturisation et des puces toujours plus compactes. Les lois de la physique stipulent que plus la longueur d’onde de la lumière utilisée est courte, plus les structures reproduites peuvent être denses. La «deep ultraviolet light» (DUV) a longtemps été utilisée dans l’industrie. Il s’agit d’une lumière laser avec une longueur d’onde de 193 nanomètres. A titre de comparaison, pour l’être humain, la gamme visible de la lumière bleue s’achève à environ 400 nanomètres.
Depuis 2019, les fabricants utilisent l’«extreme ultraviolet light» (EUV) ou rayonnement ultraviolet extrême avec une longueur d’onde de 13,5 nanomètres, autrement dit raccourcie de plus d’un facteur dix. Cette utilisation permet d’imprimer des structures encore plus fines, jusqu’à 10 nanomètres, voire moins. Au PSI, les scientifiques utilisent pour leurs analyses le rayonnement synchrotron de la Source de Lumière Suisse SLS, qui est adaptée à la norme industrielle de 13,5 nanomètres.
La lithographie photonique permet les résolutions les plus élevées
Les scientifiques du PSI ont perfectionné la lithographie EUV conventionnelle en irradiant l’échantillon non pas de manière directe, mais de manière indirecte. Dans la lithographie interférentielle à miroir UVE (MIL), deux faisceaux cohérents l’un par rapport à l’autre sont réfléchis par deux miroirs identiques sur le wafer. Les rayons produisent ensuite un motif d’interférence avec un modèle qui dépend à la fois de l’angle de la lumière incidente et de sa longueur d’onde. Le groupe a ainsi obtenu des résolutions - c’est-à-dire des distances entre les conducteurs - de 5 nanomètres, et ce en une seule exposition. Au microscope électronique, les conducteurs ont révélé de bons contrastes avec des bords nets.«Nos résultats montrent que la lithographie EUV permet des résolutions extrêmement élevées ce qui suggère qu’il n’y a pas encore de limites fondamentales, constate Dimitrios Kazazis. C’est un aspect vraiment exaltant qui élargit l’horizon de ce que nous pensions possible. Et cela ouvre de nouvelles voies pour la recherche dans le domaine de la lithographie EUV et des photoresists», conclut Dimitrios Kazazis.