Des défauts inattendus ont souvent entravé les progrès de la fabrication additive au laser, qui permet d’imprimer en trois dimensions des objets métalliques à l’aide de poudres et de lasers. Les méthodes de surveillance traditionnelles telles que l’imagerie thermique et les algorithmes d’apprentissage machine souffrent de restrictions significatives. Elles négligent souvent certains défauts ou les interprètent de manière erronée, ce qui entrave la fabrication de précision et empêche des secteurs essentiels comme l’aéronautique et l’automobile de profiter de cette technologie. Et s’il était possible de détecter des défauts en temps réel sur la base de différences de sons émis par l’imprimante lors d’une impression parfaite par rapport à une impression comportant des irrégularités? Jusqu’à présent, les spécialistes estimaient qu’une telle méthode de détection manquait de fiabilité. Des chercheurs et chercheuses du Laboratoire de métallurgie thermomécanique ( LMTM ) de la Faculté des science et techniques de l’ingénieur de l’EPFL ont remis en question cette hypothèse.
La viabilité et l’efficacité de la surveillance acoustique de la fabrication additive au laser faisaient encore l’objet d’un débat. Nos études confirment sa pertinence et soulignent ses avantages par rapport aux méthodes traditionnelles
Roland Logé, le directeur du Laboratoire de métallurgie thermomécanique (LMTM)
Ce programme de recherche revêt une importance capitale pour l’industrie, car il introduit une solution révolutionnaire et abordable permettant de surveiller et d’améliorer la qualité des produits fabriqués par la méthode Laser Powder Bed Fusion (LPBF). Le chercheur principal, Milad Hamidi Nasab, note que «Les synergies entre l’imagerie au synchrotron à rayonnement X et des enregistrements acoustiques nous permettent de comprendre en temps réel le fonctionnement du processus LPBF, ce qui facilite la détection de défauts susceptibles de compromettre l’intégrité du produit.» À une époque où les entreprises industrielles s’évertuent sans cesse à améliorer leur efficacité et leur précision et de réduire leurs déchets, ces innovations s’accompagnent d’économies substantielles et renforcent la fiabilité et la sécurité des produits manufacturés.
Comment fonctionne la fabrication LPBF?
La fabrication LPBF est un procédé d’avant-garde qui bouleverse la fabrication de produits métalliques. Elle s’appuie essentiellement sur un laser à haute intensité pour faire méticuleusement fondre de minuscules particules de poudres métalliques dans le but de produire des objets métalliques tridimensionnels en plusieurs couches. La LPBF s’apparente à la version métallique de l’impression 3D conventionnelle, la sophistication en plus. S’affranchissant du plastique fondu, elle utilise une fine couche de poudre métallique microscopique dont l’épaisseur s’étend de celle d’un cheveu humain à un petit grain de sel (15’100 um). Le laser se déplace sur la couche pour créer des motifs spécifiques par fusion sur la base d’un plan numérique. Cette technique permet de réaliser des pièces complexes uniques telles que des structures en treillis ou des géométries distinctives, tout en minimisant les pertes et les chutes. Cette méthode prometteuse présente toutefois quelques difficultés.La poudre métallique évolue entre ses phases liquide, gazeuse et solide sous l’effet du laser, créant ce que l’on appelle un bain de fusion. Il peut arriver que le procédé échoue à cause de variables telles que l’angle du laser ou la présence d’attributs géométriques spécifiques dans la poudre ou dans la pièce. Ces problèmes, appelés «instabilités inter-régimes», peuvent parfois entraîner des transitions entre deux modes de fusion, le régime «conduction» et le régime «keyhole». Dans le cadre de régimes keyhole instables, la poudre fondue qui pénètre plus profondément dans la pièce que prévu génère des cavités poreuses qui peuvent se transformer en défauts structurels dans le produit fini. Pour faciliter la mesure de la largeur et de la profondeur du bain de fusion à partir des images rayons X, le hub d’analyse d’image du Centre d’imagerie de l’EPFL a développé une approche qui facilite la visualisation des petits changements associés au métal liquide ainsi qu’un outil permettant d’annoter la configuration du bain de fusion.
Détection acoustique de ces défauts
Dans le cadre d’une joint-venture réunissant le Paul Scherrer Institute (PSI) et le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa), l’équipe de l’EPFL a élaboré un concept expérimental associant des expériences de radiographie operando à des mesures d’émissions acoustiques. Les expériences ont été menées à la beamline TOMCAT à la Swiss Light Source du PSI avec l’imprimante LPBF miniaturisée développée au sein du groupe de Steven Van Petegem. L’amalgamation à un microphone extrêmement sensible positionné dans la chambre d’impression a permis de localiser des décalages nets dans le signal acoustique pendant les transitions entre les régimes et donc d’identifier directement des défauts pendant la fabrication.L’introduction d’une technique de filtrage adaptative par Giulio Masinelli, un expert du traitement du signal à l’Empa, a constitué un jalon crucial du projet. M. Masinelli souligne que «cette approche de filtrage nous permet de comprendre avec une clarté inégalée la relation entre défauts et signature acoustique qui les accompagne.» Contrairement aux algorithmes d’apprentissage automatiques classiques, qui sont excellents lorsqu’il s’agit d’extraire la structure de données statistiques, mais qui sont plutôt calibrés pour gérer des situations déjà bien connues, cette approche apporte une compréhension plus large de la physique des régimes de fusion, tout en offrant une précision temporelle et spatiale supérieure.
Avec ce programme de recherche, l’EPFL enrichit la fabrication additive laser grâce à de précieuses informations. Les conclusions sont assorties de conséquences significatives pour de potentielles applications industrielles, notamment dans l’aéronautique et la mécanique de précision. L’étude renforce la réputation de la Suisse en matière de savoir-faire minutieux et de fabrication précise et souligne l’importance de procédés de fabrication cohérents. Elle met par ailleurs en évidence le potentiel de la détection et de la correction précoces de défauts pour une qualité de produits accrue. Le professeur Logé conclut que «ce programme de recherche jette les bases d’une meilleure compréhension et d’une amélioration du procédé de fabrication, qui conduira sur le long terme à une fiabilité accrue des produits.»