Les petits trous noirs peuvent révéler l’existence des grands trous noirs

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Lorsqu’un trou noir supermassif avale un autre trou noir massif, des ondes
Lorsqu’un trou noir supermassif avale un autre trou noir massif, des ondes gravitationnelles sont générées et se déplacent dans l’univers sous forme de petites secousses dans l’espace-temps. (Image : NASA’s Goddard Space Flight Center/Scott Noble ; données de simulation, d’Ascoli et al. 2018)
Une équipe de recherche internationale avec la participation de l’UZH propose une nouvelle méthode pour détecter les trous noirs supermassifs au centre des galaxies. Comme technique d’observation, les scientifiques utilisent l’analyse des ondes gravitationnelles émises par de petits trous noirs situés à proximité.

L’origine des trous noirs supermassifs au centre des galaxies est l’un des plus grands mystères de l’astronomie. Ces objets pourraient soit s’être formés très tôt dans l’Univers avec une grande masse, soit avoir grandi au fil du temps en accumulant de la matière et en fusionnant avec d’autres trous noirs. Lorsqu’un trou noir supermassif engloutit un autre trou noir massif, il en résulte des ondes gravitationnelles qui se déplacent dans l’univers sous forme de petites secousses dans l’espace-temps.

Il y a tout juste dix ans, des astrophysiciens ont réussi pour la première fois à détecter directement des ondes gravitationnelles, ce qui a ouvert une nouvelle fenêtre sur l’univers pour l’astronomie. Jusqu’à présent, ces ondes gravitationnelles ne pouvaient toutefois être mesurées que par des trous noirs relativement petits, qui sont les restes d’étoiles mourantes et représentent donc le stade final des étoiles lourdes. La détection des signaux émis par des paires de trous noirs beaucoup plus lourds n’est pas possible avec la technologie actuelle, car les détecteurs ne sont pas assez sensibles aux fréquences extrêmement basses de ces ondes gravitationnelles. De futures missions comme LISA (Laser Interferometer Space Antenna), dirigée par l’ESA, devraient changer cela. Cependant, la détection des paires de trous noirs les plus massifs reste un défi majeur.

Une équipe de recherche internationale, dirigée par d’anciens étudiants de l’Université de Zurich, propose une nouvelle méthode pour détecter les paires des plus grands trous noirs au centre des galaxies. Cette méthode utilise l’analyse des ondes gravitationnelles de petits trous noirs proches, qui sont les restes d’étoiles mourantes. Cette nouvelle technique d’observation nécessite un détecteur d’ondes gravitationnelles dans le domaine de Dezihertz et pourrait permettre d’étudier des trous noirs supermassifs qui, autrement, resteraient indétectables.

Notre idée fonctionne en fait comme l’écoute d’une station de radio. Nous proposons d’utiliser le signal de paires de petits trous noirs de la même manière que les ondes radio. Les trous noirs supermassifs se comportent de la même manière que la musique radio qui est transmise sous la forme d’une modulation de fréquence (FM) du signal reçu’, explique Jakob Stegmann, auteur principal de l’étude qu’il a commencée en tant qu’étudiant invité à l’Université de Zurich et qu’il a poursuivie en tant que post-doctorant à l’Institut Max-Planck d’astrophysique. ’La nouveauté de cette idée est d’utiliser les hautes fréquences, qui sont facilement détectables, pour mesurer les basses fréquences que nos instruments ne peuvent pas vraiment détecter’.

Les résultats actuels de ces pulsar timing arrays soutiennent déjà l’existence de paires de trous noirs supermassifs en train de fusionner. Cependant, ces preuves sont indirectes et résultent du signal collectif de nombreuses paires éloignées, qui génèrent effectivement un bruit de fond.

La méthode proposée pour détecter les paires de trous noirs supermassifs individuels utilise les changements subtils qu’ils provoquent dans les ondes gravitationnelles émises par une paire de petits trous noirs proches. Celles-ci agissent ainsi comme une sorte de balise indiquant l’existence des plus grands trous noirs. En détectant les minuscules modulations dans les signaux des petits trous noirs, les scientifiques pourraient identifier des paires de trous noirs supermassifs avec des masses de 10 millions à 100 millions de masses solaires, même à de grandes distances.

Lucio Mayer, co-auteur de l’étude et théoricien des trous noirs à l’Université de Zurich, ajoute : ’Maintenant que la voie est tracée pour LISA, après la confirmation de la mission par l’ESA en janvier dernier, la communauté scientifique doit explorer la meilleure stratégie pour la prochaine génération de détecteurs d’ondes gravitationnelles, en particulier dans quelle gamme de fréquences il faut se concentrer. Des études comme celle-ci fournissent une forte motivation pour donner la priorité à la conception d’un détecteur dans le domaine décihertzien.’

Littérature :

Stegmann J. ; Zwick L. ; Vermeulen S. M. ; Antonini F. ; Mayer L. Imprints of massive black-hole binaries on neighbouring decihertz gravitational-wave sources. Nature Astronomy, 5 août 2024. doi:10.1038/s41550’024 -02338-0 (2024). ’024 -02338-0