
Madagascar est un paradis pour la biodiversité. Comme le montre une étude récente, les transformations du paysage causées par des précipitations irrégulières et l’érosion des roches jouent un rôle décisif dans l’apparition et l’évolution de nouvelles espèces. Madagascar comporte un escarpement montagneux élevé près de sa côte est, formé lors de la dislocation du supercontinent de la Pangée. «L’ancien escarpement a été repoussé vers l’intérieur des terres au cours des derniers millions d’années, et les précipitations sur le versant est de l’île ont profondément modifié le paysage», explique Yi Liu, chercheur au WSL et premier auteur de l’étude publiée dans Science. Au fur et à mesure que l’escarpement s’érode et régresse, de nouveaux réseaux hydrographiques et vallées apparaissent, créant de nouveaux habitats et des barrières topographiques qui divisent les habitats existants. Ce processus continu d’isolement et de reconnexion des habitats accélère l’émergence de nouvelles espèces qui s’adaptent aux transformations de l’habitat.

Ce qui est remarquable dans cette étude, c’est qu’elle consolide de nombreuses années de travail par des biologistes et des géologues en intégrant des processus et des données dans un modèle informatique. «La collaboration interdisciplinaire était essentielle pour ce projet», explique le professeur Sean Willett, l’un des coauteurs du département des sciences de la terre à l’ETH Zurich impliqués dans l’article. Le modèle associe des reconstructions du paysage et des habitats des espèces d’il y a 45 millions d’années à nos jours à un vaste jeu de données portant sur quelque 9000 plantes actuellement présentes sur l’île. Les résultats du modèle ont mis en évidence un lien direct entre les modifications des habitats et la formation d’espèces endémiques.

Même si Yi Liu et Loïc Pellissier se réjouissent de la découverte de l’émergence d’espèces endémiques, ils sont tous deux soucieux pour l’avenir. En effet, la déforestation et le changement climatique mettent en péril la flore et la faune uniques de Madagascar. «Nos recherches montrent que l’évolution du paysage a pris des millions d’années pour former de nouveaux habitats et créer ainsi de nouvelles espèces», commente Loïc Pellissier. «En quelques décennies, nous allons détruire la biodiversité en modifiant massivement le climat et en détruisant les habitats naturels.»