Les rivières du Groenland charrient des concentrations inhabituellement élevées de métaux lourds dont du cuivre, du zinc, de l’or, de l’argent, du platine, du plomb et du mercure. Nombre de ces métaux lourds sont toxiques. Néanmoins, à de faibles concentrations, certains d’entre eux sont des nutriments importants et nécessaires pour les micro-organismes, de même que pour les humains. Cependant, à de trop fortes concentrations, ces métaux sont aussi nocifs. Ils menacent la vie dans l’environnement arctique et l’ensemble du réseau trophique, du plancton aux êtres humains, en passant par les poissons.
Une majeure partie de ces métaux lourds provient de sources naturelles, le Groenland étant en effet riche en métaux. Comme le montrent des études antérieures, les activités minières ont également contribué par le passé à faire augmenter les concentrations locales. Depuis peu, l’intérêt pour les activités minières industrielles suscitent davantage d’intérêt car le réchauffement climatique provoque la fonte des glaciers et dénude toujours plus de surfaces au sol. Cela facilite l’extraction en termes logistique et économique. De plus en plus de licences sont accordées pour la reconnaissance et l’extraction des métaux.
D’où proviennent les métaux lourds trouvés dans les rivières groenlandaises?
David Janssen, responsable du groupe de recherche Géochimie aquatique à l’Institut de recherche sur l’eau Eawag étudie à présent la question de savoir comment les activités humaines locales telles que l’exploitation minière et l’agriculture, mais également les modifications climatiques anthropiques globales telles que le changement climatique, peuvent avoir un impact sur les concentrations en métaux lourds. «Nous cherchons à comprendre où se manifestent des concentrations élevées au Groenland et si elles sont d’origine naturelle ou imputables aux activités humaines» explique David Janssen. «De plus, nous voulons savoir si les métaux peuvent avoir une influence sur les cours d’eau côtiers en se déposant soit directement à l’embouchure, soit en étant transportés jusqu’à la mer».Durant les étés 2022 et 2023, le chimiste et son équipe de terrain a analysé de nombreuses rivières au sud et à l’est du Groenland. «Nous chargions chaque jour notre mini équipement de terrain dans de petits bateaux ou un hélicoptère pour le transporter jusqu’aux fjords de la côte sud et est du Groenland», précise David Janssen. L’équipe de terrain y collectait des échantillons d’eau avec une perche télescopique et mesurait la conductivité et la température de l’eau. Les chercheuses et chercheurs filtraient sur place les échantillons d’eau et les préparaient pour diverses analyses réalisées à l’Eawag.
Les premiers résultats montrent que l’influence humaine comme l’extraction minière ou l’élevage de moutons répandu au Groenland est négligeable. Les métaux lourds trouvés provenaient pour la grande majorité de sources naturelles, soit de la roche dans les bassins versants concernés. «Nos résultats positifs, ainsi que les conclusions similaires d’autres groupes de chercheurs au Groenland, peuvent aider la population locale à prendre des décisions plus éclairées pour déterminer si, où et comment poursuivre l’exploitation des ressources respectueuse de l’environnement», déclare David Janssen.
Avec son équipe, il analyse à présent les données plus en détail afin de déterminer les facteurs naturels spécifiques qui pilotent les concentrations de métaux lourds ainsi que les nutriments dans les rivières et leur importance pour l’océan côtier. À l’été 2023, les chercheuses et chercheurs ont en outre élargi la zone de recherche avec d’autres prélèvements d’échantillons dans l’est du Groenland.