Le placenta fournit de l’oxygène et des nutriments au bébé qui grandit, mais ses interactions précoces avec l’utérus de la mère restent une énigme. En travaillant avec des versions de placentas en développement cultivées en laboratoire, les chercheurs du FMI ont mis en lumière certains des mécanismes qui sous-tendent les premiers stades de la gestation, qui sont cruciaux pour une grossesse réussie. Comprendre comment le placenta se développe et interagit avec la paroi interne de l’utérus pourrait permettre d’élaborer de futurs traitements pour des maladies telles que la pré-éclampsie, une complication dangereuse de la grossesse qui peut mettre en péril la santé de la mère et de son bébé.
Au cours des premières semaines de la gestation, le placenta - un organe temporaire qui fournit au fOEtus des nutriments et de l’oxygène et élimine les déchets - se fixe à la paroi de l’utérus de la mère. Des interactions défectueuses entre le placenta et l’utérus peuvent entraîner des complications graves de la grossesse, telles que la pré-éclampsie, qui se traduit par une hypertension artérielle et la présence de protéines dans les urines. Si elle n’est pas traitée, cette maladie peut être fatale pour la mère et le bébé.
Malgré le rôle clé du placenta, les mécanismes qui sous-tendent son développement restent inconnus. "Dans le passé, l’étude du placenta humain a constitué un défi en raison du manque de systèmes modèles appropriés", explique Elisa Magistrati, chercheuse postdoctorale dans le laboratoire de Margherita Turco, dont les derniers travaux révèlent que, lorsqu’il s’agit de cellules placentaires et maternelles, il faut être deux pour danser le tango.
Pour étudier les premiers stades du développement du placenta, Mme Turco et son équipe ont cultivé des "mini-placentas" en laboratoire. Ces organes en boîte, appelés organoïdes de trophoblaste, reproduisent les principales caractéristiques du placenta humain.
Les collaborateurs de Turco à l’université de Cambridge avaient déjà montré que les cellules immunitaires appelées cellules tueuses naturelles utérines, que l’on ne trouve que dans l’utérus de la mère, produisent des molécules immunitaires spécifiques susceptibles d’influencer le comportement des cellules placentaires. Dans ce nouveau travail, l’équipe de Turco, en collaboration avec Ashley Moffett de l’université de Cambridge et Roser Vento-Tormo du Wellcome Sanger Institute, a ajouté ces molécules immunitaires aux organoïdes de trophoblaste et a constaté qu’elles favorisaient le développement des cellules placentaires, contribuant ainsi à l’intégration réussie du placenta dans la paroi de l’utérus.
Le signal immunitaire produit par les cellules tueuses naturelles utérines semble également influencer l’expression des gènes, dont certains ont été associés à la pré-éclampsie, dans les cellules placentaires.
"La découverte la plus importante est qu’il existe une communication bidirectionnelle entre les cellules placentaires de l’embryon et les cellules maternelles - qui sont, dans ce cas, des cellules immunitaires", explique M. Turco. "C’est un processus fascinant : il s’agit de deux tissus différents provenant de deux individus génétiquement distincts, mais qui travaillent ensemble.
Grâce aux "mini-placentas", les chercheurs pourraient désormais être en mesure d’étudier la façon dont la pré-éclampsie et d’autres complications graves de la grossesse se produisent, explique M. Magistrati. "Il est très gratifiant de pouvoir enfin répondre à des questions physiologiques qui ne pouvaient pas être explorées auparavant.
Publication originale :
Qian Li*^, Andrew Sharkey*, Megan Sheridan*, Elisa Magistrati*, Anna Arutyunyan, Oisin Huhn, Carmen Sancho-Serra, Holly Anderson, Naomi McGovern, Laura Esposito, Ridma Fernando, Lucy Gardner, Roser Vento-Tormo^, Margherita Yayoi Turco^, et Ashley Moffett^ Human uterine natural killer cells regulate differentiation of extravillous trophoblast early in pregnancy Cell Stem Cell (2024) Advance online publication
*co-premiers auteurs
co-auteurs correspondants