La diversité génétique joue un rôle essentiel dans la détermination de la capacité des espèces à s’adapter aux changements climatiques. Une étude internationale, menée en collaboration avec l’Institut fédéral de recherche WSL, révèle que les actuelles initiatives de surveillance de la diversité génétique en Europe sont incomplètes et insuffisantes. Les chercheurs suggèrent une nouvelle approche visant à identifier les zones d’une importance particulière pour la conservation de la diversité génétique, lesquelles devraient être soumises à des mesures de protection.
Chaque être vivant sur notre planète se distingue de ses congénères par des différences dans son patrimoine génétique. Cette diversité génétique est une condition préalable pour que les plantes et les animaux puissent s’adapter lorsque l’environnement change. Dans le cas contraire, l’espèce risque de s’éteindre localement ou de devoir migrer vers d’autres habitats. La diversité génétique est donc l’un des facteurs clés de la survie des espèces. Elle est un élément fondamental de la biodiversité, mais a été généralement négligée jusqu’à présent. Dans le cadre de la Convention internationale sur la diversité biologique (Convention sur la biodiversité), que la Suisse a également signée, les États membres ont souligné en 2022 l’importance de la protection de la diversité génétique des espèces sauvages.
Une étude internationale publiée dans Nature Ecology & Evolution , à laquelle ont participé des chercheurs du WSL, a examiné dans quels pays européens et pour combien d’espèces la diversité génétique était surveillée jusqu’à présent. Les résultats montrent que ces efforts sont incomplets en Europe et doivent être complétés. "De telles études à long terme, qui enregistrent les changements dans le temps de la diversité génétique, concernent principalement des espèces utilisées à des fins commerciales. En revanche, les études correspondantes sur les espèces sauvages qui dépendent des mesures de protection de la nature font largement défaut", explique le biologiste du WSL Rolf Holderegger, coauteur de l’étude.
L’étude a recensé tous les programmes de monitoring en Europe dans le cadre desquels la diversité génétique est relevée de manière répétée et à long terme. Il s’est avéré que c’est surtout dans le sud-est de l’Europe - en particulier en Turquie et dans les Balkans - que des efforts plus importants sont nécessaires. "Sans un meilleur suivi de la diversité génétique en Europe, nous risquons de perdre des variantes génétiques importantes pour l’avenir, car nous ne les connaissons pas encore", explique Peter Pearman, auteur principal de l’étude et ancien collaborateur de l’Université de Lausanne et du WSL. Un meilleur suivi permettrait d’identifier les zones susceptibles d’accueillir ces variantes à l’avenir et de protéger les habitats correspondants. Cela contribuerait à préserver la diversité génétique. De nombreuses espèces, telles que le hêtre ou le châtaignier, rendent également des services inestimables à l’homme, notamment en matière d’épuration des eaux, de régulation du climat ou de stabilité des sols.
Cinquante-deux scientifiques ont participé à l’étude, représentant 60 universités et instituts de recherche de 31 pays. Les résultats suggèrent que les programmes de surveillance européens devraient être systématiquement adaptés. Le réchauffement climatique exerce une forte pression sur de nombreuses espèces en Europe, en particulier là où les espèces atteignent leurs limites climatiques, par exemple parce qu’il fait trop chaud ou trop sec pour elles.
La capacité des espèces à faire face à des chaleurs ou des sécheresses plus importantes est l’un des facteurs qui déterminent si une espèce survit ou non localement. C’est donc dans les régions climatiques frontalières qu’il est le plus urgent de mesurer la diversité génétique afin d’évaluer la capacité de survie des espèces concernées et de maintenir une base de diversité génétique aussi large que possible. Il est ainsi possible d’améliorer l’aménagement du territoire et de prendre davantage en compte les mesures de sauvegarde et de restauration des écosystèmes. En effet, ces dernières contribuent à assurer la pérennité des espèces et des services qu’elles fournissent.
"Mais dans les régions les plus touchées par le changement climatique, les espèces ne sont pas seulement particulièrement menacées ; c’est aussi là que la probabilité est la plus grande que les variantes génétiques nécessaires à l’adaptation s’accumulent grâce à une sélection appropriée. Ces régions écologiques périphériques peuvent donc servir de réservoir à partir duquel des variantes favorables peuvent se propager par échange génétique dans d’autres parties de l’aire de répartition qui seront touchées plus tard par le changement climatique. Cela augmente la résistance globale d’une espèce.