La cause de l’effet yo-yo décryptée

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 (Image: Pixabay CC0)
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Des chercheurs de l’ETH Zurich ont découvert un mécanisme derrière l’effet yo-yo : les cellules graisseuses ont une mémoire basée sur l’épigénétique.


Quiconque a quelques kilos en trop sur la balance et a déjà tenté un régime connaît le phénomène : les kilos s’envolent, mais ils reviennent au bout de quelques semaines. L’effet yo-yo a fait son œuvre. Des chercheurs de l’ETH Zurich ont pu montrer à quoi cela était dû : à l’épigénétique.

L’épigénétique est la partie de la génétique qui ne repose pas sur la séquence des éléments constitutifs des gènes, mais sur des marques chimiques petites mais caractéristiques sur ces éléments. La séquence des éléments constitutifs s’est formée au cours de l’évolution sur une longue période, nous l’avons tous héritée de nos parents. Les marques épigénétiques, en revanche, sont plus dynamiques : les influences environnementales, les habitudes alimentaires et l’état du corps, comme l’obésité, peuvent les modifier au cours de la vie. Ils restent stables pendant de nombreuses années, parfois même des décennies. Pendant cette période, ils déterminent en grande partie quels gènes sont actifs ou non dans nos cellules. "L’épigénétique dit à une cellule quel genre de cellule elle est et ce qu’elle doit faire", explique Laura Hinte. Elle est doctorante dans le groupe de Ferdinand von Meyenn, professeur de nutrition et d’épigénétique métabolique.

Il existe une mémoire épigénétique de l’obésité

Hinte, von Meyenn et leur ancien collègue Daniel Castellano Castillo ont recherché les causes moléculaires de l’effet yo-yo chez la souris. Pour ce faire, ils ont étudié les cellules adipeuses de souris en surpoids et de souris ayant perdu leur surpoids après un régime. Ils ont ainsi pu montrer : L’obésité entraîne des marquages épigénétiques caractéristiques dans le noyau des cellules adipeuses. La particularité : ces marques persistent même après un régime. "Les cellules adipeuses se souviennent de l’état d’obésité et peuvent plus facilement y être ramenées", explique von Meyenn. Les scientifiques ont ainsi pu montrer que les souris présentant cette marque épigénétique prenaient plus rapidement du poids lorsqu’elles avaient à nouveau accès à une alimentation riche en graisses. "Nous avons ainsi trouvé une base moléculaire à l’effet yo-yo".

"Comme il y a un effet de mémoire, il est important d’éviter le surpoids dès le départ".


Chez l’homme aussi, des indices semblent confirmer ce mécanisme : Les chercheurs ont analysé des biopsies de tissus adipeux de personnes autrefois en surpoids qui avaient subi une réduction de l’estomac ou un pontage gastrique. Les échantillons de tissus proviennent de différentes études menées à l’Institut Karolinska de Stockholm et dans des hôpitaux de Leipzig, Dresde et Karlsruhe. Dans ces échantillons, les chercheurs n’ont pas examiné les marqueurs épigénétiques, mais l’activité des gènes. Les résultats concordent toutefois avec ceux des souris. Les chercheurs en font état dans l’édition actuelle de la revue spécialisée Nature.

La prévention est la clé

Les chercheurs n’ont pas étudié la durée pendant laquelle les cellules adipeuses peuvent se souvenir de l’obésité. "Les cellules adipeuses sont des cellules à longue durée de vie. Elles vivent en moyenne dix ans avant que notre corps ne les remplace par de nouvelles cellules", explique Hinte.

Actuellement, il n’est pas possible de modifier les marques épigénétiques dans le noyau cellulaire à l’aide de médicaments et d’effacer ainsi la mémoire épigénétique. "Peut-être que cela deviendra possible à l’avenir", dit Hinte. "Mais pour l’instant, nous devons vivre avec cet effet de mémoire". Von Meyenn ajoute : "C’est justement parce qu’il y a un effet de mémoire qu’il est si important d’éviter le surpoids dès le départ. Car c’est alors qu’il est le plus facile de faire quelque chose pour y remédier". Ce message, les chercheurs l’adressent surtout aux enfants et aux adolescents ainsi qu’à leurs parents.

Grâce à leur travail, les chercheurs ont montré pour la première fois que les cellules adipeuses possèdent une mémoire épigénétique de l’obésité. Ils ne partent toutefois pas du principe que les adipocytes sont les seules cellules à posséder une telle mémoire. "D’autres cellules du corps pourraient également contribuer à l’effet yo-yo", explique von Meyenn. Il serait tout à fait envisageable que des cellules du cerveau, des vaisseaux sanguins ou d’autres organes se souviennent de l’obésité et contribuent à l’effet. Les chercheurs veulent maintenant savoir si c’est effectivement le cas.

Bibliographie

Hinte LC, Castellano Castillo D, Ghosh A, Melrose K, Gasser E, Noé F, Massier L, Dong H, Sun W, Hoffmann A, Wolfrum C, Rydén M, Mejhert N, Blüher M, von Meyenn F : Les tissus adipeux conservent une mémoire épigénétique de l’obésité qui persiste après la perte de poids. Nature, 18 novembre 2024, doi : 10.1038/s41586’024 -08165-7