32’000 admissions à l’hôpital en Suisse en raison d’effets secondaires de médicaments

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 (Image: Pixabay CC0)
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Une étude commune des universités de Lucerne et de Zurich, de l’hôpital universitaire de Zurich et de Swissmedic montre pour la première fois de manière exhaustive combien de personnes ont été hospitalisées en Suisse en raison d’effets indésirables de médicaments. Malgré l’obligation légale, seule une petite partie d’entre eux a été déclarée au cours des huit années de la période d’observation.

Les effets indésirables des médicaments peuvent provoquer des troubles ou des maladies nécessitant un séjour à l’hôpital ou, dans des cas extrêmes, entraîner la mort. En Suisse, le personnel médical est tenu d’annoncer de tels cas d’effets indésirables médicamenteux à Swissmedic, l’autorité suisse d’autorisation et de surveillance des médicaments.

Première enquête nationale

Une étude dirigée par Patrick Beeler , directeur de recherche au Centre de médecine de famille et de soins communautaires de l’Université de Lucerne, a examiné, pour une période de huit ans (2012 à 2019), combien d’hospitalisations en Suisse étaient dues à des effets indésirables de médicaments et combien d’entre elles avaient été mortelles. Au niveau national, on savait jusqu’à présent peu de choses à ce sujet. L’étude a également examiné le nombre d’annonces reçues par Swissmedic dans ce contexte au cours de la même période. Pour ce faire, les données de l’Office fédéral de la statistique et de Swissmedic ont été analysées.

Environ 32’000 hospitalisations par an

Sur environ 11,2 millions d’hospitalisations durant la période étudiée, 256’550 (2,3%) étaient dues à des effets indésirables de médicaments. Cela correspond à environ 32’000 admissions à l’hôpital par an. Les effets indésirables les plus fréquents concernaient le système digestif (comme les gastro-entérites), le système urogénital (par exemple l’insuffisance rénale aiguë) ou l’état mental/comportemental (comme la dépendance aux opiacés). Dans les cas dus aux effets secondaires des médicaments, la mortalité hospitalière était de 2,2% (5669). Au cours de la période étudiée, Swissmedic a reçu des déclarations concernant 14 109 hospitalisations et 700 décès. Le taux de déclaration est donc estimé dans l’étude à 5%, respectivement 12%.

Seuls quelques cas sont signalés

Les taux de déclaration semblent faibles par rapport au nombre total d’hospitalisations. En comparaison internationale, ils se situent dans la fourchette haute selon les chiffres disponibles, explique le responsable de l’étude Patrick Beeler. Selon la littérature scientifique internationale, le taux d’annonce des hospitalisations dues à des effets indésirables de médicaments se situe entre 0,6% et 4,7%. Il n’existe pas de chiffres comparatifs internationaux concernant la mortalité hospitalière. Selon Beeler, la qualité des annonces suisses est très bonne en comparaison internationale.

Interrogé sur les raisons du faible taux de déclaration, le responsable de l’étude se réfère à une enquête menée en Allemagne, qui identifie plusieurs causes : L’ignorance de l’obligation de déclaration, la charge de travail, l’incertitude concernant le système de déclaration ou l’organisation sous-jacente, les doutes concernant la protection des données, la peur des conséquences juridiques et le manque d’incitations. Les sanctions en tant qu’incitations négatives à respecter l’obligation de déclarer ne fonctionnent pas, explique Beeler : étant donné que les effets secondaires ne sont pas systématiquement enregistrés au niveau des patients, une comparaison avec les déclarations reçues n’est guère possible. Les omissions de déclaration ne sont donc généralement pas connues.

Les piliers de la sécurité des médicaments

Pour améliorer la situation actuelle, l’obligation d’annoncer devrait être abordée de manière appropriée dès la formation des professionnels de la santé et rappelée régulièrement par la suite, recommande Beeler. Il est important de comprendre l’importance des annonces dites spontanées pour la sécurité des patients. En dépit des autres sources de données disponibles, elles constituent le pilier le plus important de la sécurité des médicaments, car elles permettent de découvrir la plupart des risques, même ceux qui étaient jusqu’alors inconnus ou insuffisamment décrits, explique Beeler. Il serait particulièrement important de signaler les cas de patients qui sont rarement pris en compte dans les essais cliniques, par exemple les nourrissons, poursuit Beeler.

Les données disponibles laissent encore à désirer

Certes, on dispose désormais de données sur l’ampleur de certains problèmes liés aux médicaments en Suisse et de données sur les patients concernés, explique Beeler. Mais il y a aussi de grandes lacunes dans les données. Il n’existe par exemple aucun lien entre les patients et les médicaments prescrits en ambulatoire. Un tel lien permettrait de réaliser des évaluations instructives, comme c’est déjà le cas dans certains pays scandinaves, selon le responsable de l’étude.

Patrick E. Beeler, Thomas Stammschulte, Holger Dressel
Hospitalisations liées à des réactions indésirables aux médicaments en Suisse de 2012 à 2019 : caractéristiques, mortalité hospitalière et taux de déclaration spontanée
Sécurité des médicaments, 2023