Aujourd’hui déjà, de nombreux objets sont produits par impression 3D. Cette technique de fabrication additive a par exemple fait son entrée dans la construction aéronautique et spatiale, dans l’industrie automobile, mais aussi dans le domaine médical. Pour les métaux et les matériaux synthétiques, on utilise souvent un procédé appelé fusion laser sur lit de poudre. Le matériau est appliqué sur une plaque de construction sous forme de poudre fine, le rayon laser passe sur la poudre, la fait fondre et lui confère ainsi la forme souhaitée. Puis vient la couche de poudre fine suivante, que le laser fait fondre à son tour. C’est ainsi que la pièce se développe, couche après couche.
Ce qui se passe durant la fusion laser sur lit de poudre a déjà été étudié à l’aide des rayons X de la Source de Lumière Suisse SLS du PSI et à d’autres instituts. Mais ces aperçus microscopiques ne fournissaient que des images bidimensionnelles. «Nous voulions faire un pas de plus», explique Malgorzata Makowska, spécialiste en science des matériaux au PSI. Au lieu des radiographies 2D, les chercheurs souhaitaient réaliser des tomographies 3D et ça à une vitesse permettant de suivre le rythme du faisceau laser. Mais pour ce faire, il leur fallait faire tourner leur échantillon pendant la fabrication et faire en sorte que le laser suive ces mouvements rotatifs rapides. Un sacré défi. L’équipe vient d’y parvenir pour la première fois, comme elle le rapporte dans la revue spécialisée Communications Materials.
Un aimant stabilise la poudre de précurseur en rotation
Pour leurs expériences, les chercheurs utilisent de l’oxyde d’aluminium. Ce matériau céramique est utilisé de diverses manières, par exemple dans l’industrie chimique pour des composants exposés à des températures élevées, dans l’électrotechnique comme isolant ou encore dans le domaine médical pour des implants. Mais ce matériau est très dur et cassant, si bien que la production de formes complexes avec la technologie conventionnelle pose d’importantes difficultés. «Si l’on pouvait imprimer de tels composants, ce serait beaucoup plus simple, note Steven Van Petegem, physicien. Aujourd’hui, toutefois, il est encore très difficile d’obtenir un matériau complètement étanche et la microstructure désirée lorsqu’on imprime de l’oxyde d’aluminium.»Les expériences menées à la ligne de faisceau de tomographie TOMCAT à la SLS viennent de fournir de nouvelles informations sur ce processus de fabrication prometteur. L’échantillon étudié tournait à une vitesse de 50 hertz (3000 tours par minute) pendant que le laser passait sur la poudre. L’adaptation du processus d’impression à cette rotation extrêmement rapide a été l’une des grandes difficultés que les chercheurs ont maintenant réussi à surmonter. Une deuxième astuce leur a permis d’éviter que le matériau en rotation ne se disperse en raison des forces centrifuges. Un aimant a fixé la poudre d’oxyde d’aluminium, à laquelle une petite quantité d’oxyde de fer magnétique avait été ajoutée. L’aimant était placé sous l’échantillon dans un petit cylindre expérimental de trois millimètres de diamètre.
«Grâce à la caméra rapide GigaFRoST, développée par le PSI, et à un microscope très efficace, il a été possible de prendre une centaine d’images 3D par seconde pendant le processus d’impression», explique Federica Marone, scientifique spécialiste de lignes de faisceau. Ces images ont montré ce qui se passait avec la poudre pendant le traitement au laser. «Pour la première fois, nous avons vu le volume fondu de manière directe», raconte Malgorzata Makowska. La forme de ce qu’on appelle le bain de fusion a surpris les chercheurs. Lorsqu’ils ont augmenté l’énergie du laser, il ne s’est pas formé le creux qu’ils attendaient à la surface de la masse fondue. «Le bain de fusion s’est étalé comme une crêpe et la surface était plus ou moins plate», relève encore la chercheuse.
Imprimer la microstructure désirée
Les chercheurs ont également pu suivre comment se formaient des trous et des cavités pendant que le matériau se solidifiait, ce qui est important pour de futures applications. «En principe, on souhaite obtenir un beau matériau lisse, avec une microstructure définie, détaille Malgorzata Makowska. Mais pour certaines applications, une certaine porosité peut aussi être souhaitable.» Steven Van Petegem ajoute: «Nous espérons que nos expériences nous permettront d’en apprendre davantage sur le processus d’impression et de transmettre ces connaissances pour qu’elles trouvent un jour des applications pratiques, même si le chemin est encore long.» La mise à niveau de la SLS, qui débutera bientôt, et les nouvelles lignes de faisceaux TOMCAT 2.0, qui seront mises en service en 2025, vont étendre les possibilités actuelles. «Il sera possible d’étudier des matériaux plus denses avec une résolution spatiale et temporelle plus élevée, ce qui est essentiel pour le développement de la technologie de fusion laser sur lit de poudre», explique Christian Schlepütz, scientifique à la ligne de faisceau.L’étude a été réalisée en collaboration avec le centre de technologies inspire AG, l’ETH Zurich et l’Empa. Elle a été financée par le Fonds national suisse comme projet Spark et est un projet de suivi d’une initiative de recherche suisse qui a démarré en 2017. C’est à cette époque qu’a été fondé le projet de concentration stratégique «Advanced Manufacturing» où collaborent des institutions du domaine des EPF. «Les différents projets nous ont permis de faire la connaissance de tous les groupes qui, en Suisse, travaillent dans le domaine de la fabrication additive et de l’impression 3D, explique Steven Van Petegem. C’est un sujet extraordinairement important pour l’avenir, et la Suisse s’en est rendu compte.»
Texte: Barbara Vonarburg