La Stratégie Energétique 2050 en Suisse a, entre autres, pour objectif d’accroître drastiquement le nombre d’installations solaires photovoltaïques. Au moins 35 TWh d’électricité devront être produits en 2035 grâce aux énergies renouvelables, sans compter l’hydraulique, et 45 TWh en 2050. Comment atteindre ces objectifs d’une manière efficace et équitable pour chaque ville et/ou commune suisse ?
Au Laboratoire d’Energie Solaire et Physique du Bâtiment de l’EPFL (LESO-PB) à la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC), le potentiel énergétique des toits est un domaine que l’on a longtemps étudié car, on le sait, la production d’électricité grâce à des installations solaires photovoltaïques jouera un rôle important dans la décarbonisation de notre système énergétique.
Durant sa thèse de doctorat, Alina Walch s’est concentrée sur l’évaluation du potentiel des systèmes d’énergies renouvelables à partir de la science des mégadonnées, en combinant cela de manière interdisciplinaire avec des méthodes d’apprentissage automatique, souvent désignées par Intelligence Artificielle (IA). Elle a notamment imaginé et comparé deux scénarios de développement du parc photovoltaïque en Suisse avec l’idée d’atteindre, voire de dépasser, les objectifs de la Stratégie Énergétique 2050. Pour ce faire elle s’est associée au Dr Martin Rüdisüli de l’EMPA à Dübendorf, expert dans le domaine de la modélisation des systèmes énergétiques. « Nous avons conduits l’étude ensemble, combinant mes connaissances de la modélisation du potentiel solaire avec son expérience en analyse de l’impact des différents scenarios d’expansion dans le contexte de la transition énergétique. »
Toitures orientées au Nord
Avant de se lancer dans l’analyse détaillée du potentiel énergétique de nos toitures pour 2050, la doctorante devait tout d’abord savoir sur quoi se baser, ce qui a nécessité de formuler un certain nombre d’hypothèses de départ. Quels étaient les toits à prendre vraiment en considération, ne fallait-il pas être moins stricte et accepter des toitures moins exposées au soleil ou carrément orientées vers le Nord - Dans une première approche, seules les toitures principalement orientées vers le sud avaient été prises en compte. « Dans ma première étude, j’avais exclu les toitures orientées au Nord, mais l’on s’est aperçu que si la pente du toit est inférieure à 20 degrés, même face au Nord, elle permet d’accueillir du solaire photovoltaïque très productif. » En incluant ces toitures dans son modèle, Alina Walch a vu le potentiel des toitures suisses croitre de 25% par rapport au cas de base. « Nous avons calculé le potentiel maximal que l’on peut réaliser sur toutes les toitures suisses, mais la question la plus importante, car le temps nous est compté à l’avenir, est de savoir quelle stratégie il faut adopter pour atteindre au plus vite les objectifs de la Confédération. »Stratégie 1 : Prioriser les grands toits plats
Il faut utiliser au mieux la surface disponible sur les toitures. Celles qui représentent le plus grand potentiel énergétique sont, sans aucun doute, les grands toits plats faiblement inclinés, ceux des hangars industriels ou agricoles par exemple. Ces toitures ont l’avantage d’avoir peu de superstructures comme des tabatières ou des cheminées et ces bâtiments, souvent situés à l’écart des villes, peuvent être équipés en toute discrétion sur le plan esthétique. D’après les calculs effectués par Alina Walch, 4% des grands toits suisses permettraient d’atteindre très rapidement une production annuelle d’électricité de 15 TWh, et cela en minimisant les coûts et les émissions CO2, car il y aurait moins d’installations solaires à réaliser. En posant des centrales solaires photovoltaïques sur 2,5 millions de toits supplémentaires, une production annuelle de 45 TWh seraient aisément et rapidement atteinte. Mais, car il y a un mais, cette alternative présente des disparités régionales, surtout dans les centres urbains qui ne possèdent pas suffisamment de surfaces de toitures pour couvrir leurs besoins en électricité.Stratégie 2 : Équilibrer la production d’électricité
Que faudrait-il modifier dans la stratégie afin d’équilibrer la production d’énergie à l’échelle régionale - Que se passerait-il si des panneaux photovoltaïques étaient posés sur tous les toits des habitations des communes, pour atteindre une production d’électricité maximale ? « Nous avons évalué par simulation l’autonomie énergétique de chaque district. Dans les communes rurales, il est facile de couvrir les besoins en électricité, même en n’exploitant qu’une partie de leur potentiel. Dans les grandes villes cela devient pratiquement impossible : il y a un déséquilibre, que l’on ne peut pas compenser. » Une telle stratégie permet de mieux répondre aux besoins des régions, mais elle demande d’installer des centrales solaires PV sur 4 millions de toitures pour répondre aux exigences de la Confédération.Maximiser l’autosuffisance
En ces temps difficiles qui voient plusieurs problématiques se superposer, comme le changement climatique et/ou les incertitudes politiques internationales, l’approvisionnement en électricité est une préoccupation de premier plan. Alina Walch est convaincue qu’une production proche de la demande en électricité peut apporter la sécurité énergétique espérée. « La dernière analyse que nous avons faite est un compromis entre les deux stratégies, en considérant les hangars et les toitures d’immeubles. La stratégie optimale issue de nos analyses consiste par commencer à équiper les plus grandes toitures des communes jusqu’à l’atteinte des objectifs. Et pour aller encore plus loin, nous proposons de limiter alors la pose de panneaux solaires photovoltaïques, dès que les besoins d’une commune sont couverts par les énergies renouvelables. »Article publié dans Journal Of Physics
https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1742-6596/1343/1/012035/meta
A critical comparison of methods to estimate solar rooftop photovoltaic potential in Switzerland Alina Walch1, Nahid Mohajeri2 and Jean-Louis Scartezzini1