"Poète de la résonance" : parution de la première grande biographie de Hofmannsthal

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Avec "Jedermann - Das Spiel vom Sterben des reichen Mannes" (1911), Hu
Avec "Jedermann - Das Spiel vom Sterben des reichen Mannes" (1911), Hugo von Hofmannsthal a créé un classique du festival qui est toujours joué aujourd’hui au festival de Salzbourg qu’il a cofondé. (Jedermann et la mort, 2014. Photo : Francisco Peralta Torrejón/Wikimedia | CC BY 3.0)
La première biographie complète de l’écrivain autrichien est disponible juste à temps pour le 150e anniversaire de Hugo von Hofmannsthal. Ce volume volumineux a été réalisé à l’Université de Bâle.

Un livre de plus de 900 pages est posé sur la table. Elsbeth Dangel-Pelloquin et Alexander Honold viennent de rentrer de lectures en Allemagne et en Autriche. Leur biographie sur Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) a reçu jusqu’à présent un écho presque unanimement positif de la part des spécialistes et du public, racontent-ils. Le volume consacré à la vie et à l’œuvre de l’écrivain autrichien devrait à l’avenir devenir un ouvrage de référence.

Hofmannsthal, qui s’est fait remarquer dès l’âge de 17 ans dans les cafés littéraires, est considéré avec ses poèmes et ses drames comme un représentant du symbolisme et de la modernité viennoise. Plus tard, après le lyrisme des premières années, il expérimenta de nouvelles formes de théâtre musical.

Parmi ses œuvres célèbres figurent des textes d’opéra comme ’Elektra’, ’Der Rosenkavalier’ et ’Ariadne auf Naxos’, qu’il a élaborés avec le compositeur et ami Richard Strauss. Hofmannsthal a été l’un des fondateurs du festival de Salzbourg, où son ’Jedermann’ est encore représenté chaque année aujourd’hui. On se souvient également de sa critique de la langue, par exemple lorsqu’un épistolier voit ’les mots se décomposer dans sa bouche comme des champignons moisis’.

Une grande partie de son œuvre est encore largement méconnue du public. Les œuvres littéraires de l’Autrichien, qui écrivait également des essais et entretenait une vaste correspondance, comprennent environ 1300 textes, esquisses et plans d’œuvres. Au total, les œuvres de l’édition critique complète remplissent 28 500 pages imprimées, réparties sur 40 volumes lourds. Le dernier d’entre eux est paru il y a deux ans seulement, aux éditions S. Fischer, la même maison d’édition dans laquelle Hofmannsthal avait publié de son vivant.

Pourquoi la première grande biographie n’est-elle disponible que maintenant, presque un siècle après la mort de l’écrivain ? Le matériel est en fait disponible depuis longtemps, dit Dangel. Peut-être que son volume énorme a empêché beaucoup de gens de faire une présentation complète, suppose-t-elle.

Ce n’est pas sans raison que cette grande étude biographique a été réalisée par des chercheurs de l’Université de Bâle : C’est ici, au département de philologie allemande, qu’ont été réalisés d’importants travaux sur l’écrivain et son époque, dans le sillage des spécialistes de Hofmannsthal Martin Stern et Karl Pestalozzi.

Mondes de vie et lectures

Au cours de leur travail de plus de trois ans, Dangel et Honold ont abordé le classique moderne Hofmannsthal de deux manières différentes : Alors qu’elle retraçait les mondes de vie et l’évolution littéraire de Hofmannsthal, ce dernier s’est consacré à des œuvres choisies sous le titre ’Lectures’. Selon eux, la biographie peut rendre visible la polyvalence de l’écrivain dans toute sa richesse. Il n’a cessé de lancer de nouveaux projets, ce qui a eu pour conséquence que l’on trouve de très nombreux fragments de textes dans le fonds.

La biographie met également en évidence le mode de travail coopératif de Hofmannsthal : selon Honold, il a été l’un des premiers à entretenir des ’réseaux productifs’ avec d’autres artistes et à cultiver des amitiés. Dangel qualifie également Hofmannsthal de ’poète de la résonance’. Doté d’une grande sensibilité linguistique, il aurait également traversé des phases dépressives et des blocages d’écriture.

L’attitude de Hofmannsthal n’était pas seulement celle d’un traditionaliste qui regrettait la chute de l’empire des Habsbourg et ne s’accommodait pas des nouvelles conditions, comme on l’a longtemps cru, selon Honold : Après la Première Guerre mondiale, l’écrivain s’est adapté aux changements et a souvent exploré de nouveaux territoires artistiques.

Selon le duo d’auteurs, le titre de la biographie, ’Transformation sans limites’, doit englober tout cela : les bouleversements politiques de l’époque, le caractère fragmentaire de l’ensemble de l’œuvre et le dépassement constant des limites des genres, jusqu’aux arts plastiques et à la danse. Mais le titre doit aussi évoquer la personnalité de l’écrivain, qui s’est sans cesse redessiné. Ce n’est qu’en changeant que nous supportons notre vie’, a écrit Hofmannsthal un jour, dans l’une de ses comédies.