L’avenir du travail : 3/2, 2/3, 0/4 ?

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 (Image: Pixabay CC0)
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On discute de plus en plus souvent de la productivité du travail à domicile. Pour Gudela Grote, ce n’est pas la bonne approche, car elle en dit plus sur notre conception de l’être humain qu’elle n’aide à comprendre comment nous travaillons mieux.

par Gudela Grote L’expérience de 2020 a montré à de nombreux employés et entreprises que la flexibilité du lieu de travail (et des horaires) peut être bénéfique pour les deux parties. Les pierres d’achoppement à cet égard étaient déjà connues - délimitation de la frontière entre travail et vie privée, maintien de contacts informels, leadership et cohésion d’équipe - mais pendant les années de la pandémie Covid 19, nous avons fait de notre mieux pour les écarter. Sans cette nécessité extérieure, elles sont maintenant toutes de retour, les pierres d’achoppement. Mais nous savons aussi maintenant qu’elles peuvent être surmontées - nous devrions utiliser ce savoir pour rendre le travail plus humain pour tous.

Travailler de manière hybride à l’avenir également

Un rapport récemment diffusé par des économistes de Stanford considère le travail hybride comme notre avenir.1 Cette affirmation n’est pas surprenante. Elle correspond à des décennies de recherche en psychologie du travail et de l’organisation. Ce qui est intéressant dans ce rapport, c’est surtout la justification des chercheurs. Comme il se doit pour des économistes, le c½ur de l’argumentation est la productivité. Ils ont étudié la productivité des différentes formes de travail et sont parvenus à la conclusion que lorsque les personnes travaillent exclusivement à domicile, la productivité baisse de 10 à 20 pour cent, alors que lorsque le travail est hybride, la productivité ne souffre pas ou peut légèrement augmenter.

Si l’on regarde de plus près où les chercheurs de Stanford ont constaté une baisse de la productivité, il s’agit par exemple des "data entry workers" travaillant à domicile - c’est-à-dire des personnes qui saisissent des données jour après jour, par exemple en saisissant des chiffres dans une base de données à partir de listes. Cela soulève plusieurs questions, d’une part parce qu’il n’y a pas de travail plus monotone que celui effectué à domicile, et d’autre part parce qu’il n’est pas certain que les conditions de travail à domicile aient permis un travail productif.

Tout est une question de point de vue ?

Pour illustrer les avantages du travail hybride, il est fait référence à une étude menée sur des employés de centres d’appels qui faisaient moins de pauses et étaient moins souvent malades. Mais si l’on définit ainsi la productivité, il se peut que l’on saisisse surtout une pression accrue au travail et le présentéisme. Ces exemples montrent à quel point il est difficile de choisir une bonne mesure de la productivité et que chaque mesure, considérée hors de son contexte, n’a que peu de signification. Ce flou dans la compréhension de la productivité a pour conséquence que chacun et chacune peut choisir les arguments qui correspondent à sa propre conviction et à son évaluation subjective.

C’est sur ces convictions que les entreprises devraient se baser pour exploiter judicieusement les opportunités offertes par les nouvelles formes de travail - et aussi les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Il s’agit de suppositions sur ce qui motive les gens à travailler et à faire leur travail le mieux possible. Le rapport mentionné cite une autre étude dans laquelle les collaborateurs étaient d’avis que le travail à domicile augmentait la productivité et les supérieurs supposaient que la productivité diminuait. Ces deux affirmations n’ont en fait pas grand-chose à voir avec la productivité, mais plutôt avec des conceptions de l’être humain. Je suis sûr que si les supérieurs devaient évaluer uniquement leur propre travail à domicile, ils indiqueraient également qu’ils sont plus productifs - à condition qu’ils aiment eux-mêmes travailler à domicile.

Comprendre différentes perspectives est plus important que 2/3 ou 3/2

Comme nous le voyons, la discussion sur le fait de savoir si 2 jours de travail à domicile et 3 au bureau ou, au contraire, 3/2 sont plus productifs, n’est finalement pas très fructueuse. Une discussion sérieuse et ouverte sur les nouvelles formes de travail permettrait au contraire de rendre les images de l’homme visibles, attaquables et révisables. Si l’on y parvient, il sera possible de négocier de manière constructive sur la question de savoir quelle forme de travail est la plus appropriée pour qui et pour quelles activités.

"Il est difficile de choisir une bonne mesure de la productivité et chaque mesure n’a qu’une faible valeur sans contexte".


Nous devrions pouvoir exposer et remettre en question les raisons pour lesquelles il est difficile de revenir physiquement dans l’entreprise ou pourquoi il y a un sentiment de perte de contrôle lorsque les collaborateurs travaillent principalement à domicile. De telles discussions permettraient d’identifier les défauts des conditions de travail existantes et d’initier une meilleure organisation du travail. Si je me "cache" chez moi parce que je veux éviter le contact avec mon équipe ou mes supérieurs, ou parce que mon travail est si inintéressant que je profite de toutes les possibilités pour ne pas avoir à le faire, ce n’est pas une question de 2/3 ou de 3/2, mais cela montre la nécessité d’améliorer le contenu et les relations de travail.

... ou la semaine de quatre jours à l’avenir ?

Le débat sur la manière dont nous travaillerons à l’avenir ne disparaîtra pas et soulève d’autres questions auxquelles nous devrons faire face à plus ou moins long terme. Face aux nouvelles possibilités technologiques et organisationnelles, combien de temps les gens devront-ils encore travailler ? La semaine de quatre jours est expérimentée dans différentes variantes - de 0/4 à 4/0 heures supplémentaires - et ouvre une perspective sur la question fondamentale des rôles que l’homme et la technologie joueront à l’avenir. Si les robots prenaient en charge notre travail à l’usine et à la banque, nous n’aurions peut-être pas besoin de robots pour prendre soin de nos aînés. Cela aussi pourrait rendre notre travail plus utile et plus digne.
Prof. Gudela Grote