"Je veux construire des robots médicaux que les autres voudront vraiment utiliser".

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Les robots médicaux collaboratifs doivent permettre une utilisation sans collisi
Les robots médicaux collaboratifs doivent permettre une utilisation sans collision, intuitive et facile, même avec du matériel lourd, pendant une longue période. Georg Rauter présente un projet des membres de son équipe, Murali Karnam et Nicolas Gerig.
Georg Rauter développe des microrobots comme outils pour les chirurgiens du cerveau, les dentistes et pour les opérations sur les os. Bien connecté avec les chercheurs en Suisse et dans le monde, il souhaite faire de Bâle un hub de la robotique médicale.

Monsieur Rauter, quel serait le robot parfait que vous aimeriez développer dans votre carrière de chercheur ?

J’aimerais répondre à cette question par une anecdote : J’ai vécu une expérience clé dans le cadre de ma thèse de doctorat à l’EPF de Zurich. J’y ai développé un simulateur d’aviron robotisé avec lequel on peut apprendre à ramer. Le système sent les mouvements, remarque les erreurs et donne un feedback personnalisé, d’une part graphiquement, d’autre part en guidant le déroulement optimal par la traction et la résistance. En outre, il indique le déroulement temporel des mouvements par des sons. Le robot fait donc le même travail qu’un entraîneur humain. Ce qui est particulier, c’est que nous avons pu prouver qu’un robot peut enseigner quelque chose à un être humain de manière autonome et même accélérer le processus d’apprentissage.

Qu’en est-il advenu ?

Nous avons ensuite utilisé le concept d’entraînement et de régulation du simulateur d’aviron pour un robot de rééducation, qui est aujourd’hui commercialisé sous le nom de ’The Float’. Le système ressemble un peu à un baudrier suspendu au plafond et permet d’entraîner la marche. Le ’Float’ suit passivement le patient ou la patiente, mais le soutient si nécessaire ou amortit une chute.

Pourquoi cela a-t-il été un événement clé ?

Après une longue période, je suis retourné à l’hôpital universitaire Balgrist, où nous avions mis en place le premier système. Les thérapeutes qui s’y trouvaient ne me connaissaient évidemment plus. Ils m’ont expliqué le principe de fonctionnement et les avantages de ’The Float’ par rapport à la rééducation de la marche conventionnelle sur tapis roulant, sans savoir que j’avais développé le système. C’était formidable de voir que mes recherches ne m’avaient pas seulement valu des publications, mais que j’avais développé un robot que d’autres pouvaient et voulaient vraiment utiliser.

Pour revenir à la question du robot parfait : De quoi devrait-il donc être capable ?

Cela dépend de ce dont on a besoin exactement. Pour moi, la force motrice, ce sont les besoins des futurs utilisateurs. Cela peut être dans le domaine de la recherche en biologie cellulaire, de la robotique de rééducation ou de la chirurgie au laser. Mon groupe de recherche développe surtout des microrobots et accompagne vraiment tout le processus, de l’idée au produit. C’est exceptionnel d’être présent du début à la fin avec la recherche académique. Tout au long du processus, nous sommes toujours en contact étroit avec les utilisateurs, surtout dans le milieu médical.

Avez-vous un exemple de système sur lequel vous travaillez actuellement ?

Il y aurait par exemple un système mini-invasif pour la chirurgie, capable de découper des os au laser. Ce microrobot doit être aussi sensible qu’un doigt humain, très mobile et doté d’une bonne optique. En même temps, nous voulons rendre son utilisation par les chirurgiens aussi simple que possible. Ce que le système peut faire de manière autonome, il doit le faire de manière autonome. Par exemple, l’utilisatrice dirait au système ’Voici le bon endroit, maintenant coupe l’os ici’ - elle n’a pas besoin d’indiquer chaque mouvement de va-et-vient du laser lors de la coupe. Mais même si notre microrobot peut faire certaines choses de manière autonome, il reste un outil et ne remplace pas les chirurgiens. J’aime le dire ainsi : Je construis des robots stupides pour des gens intelligents.

Quand on parle de recherche en robotique, beaucoup pensent à Zurich et Lausanne. Êtes-vous seul ici à Bâle ?

Non, nous sommes très bien connectés et avons des collaborations fructueuses avec d’autres sites en Suisse et dans le monde. Avec nos microrobots médicaux d’une taille comprise entre 0,1 et 2 centimètres, nous complétons le paysage suisse de la robotique. Nous sommes uniques au monde dans le domaine de la chirurgie robotique au laser et entretenons des partenariats avec l’industrie, la recherche et la médecine.

Comment vivez-vous l’environnement de recherche bâlois ?

Les chemins vers les utilisateurs sont ici très courts. L’intégration directe dans la faculté de médecine de l’université de Bâle est justement un grand avantage : grâce à l’échange direct avec des collègues issus du monde médical, nous pouvons mettre en ½uvre nos microrobots médicaux dans les meilleurs délais. Nous avons des coopérations étroites, par exemple avec l’Hôpital universitaire pour enfants des deux Bâle et l’Hôpital universitaire de Bâle. Il s’agit de projets très fructueux, dans le cadre desquels les cliniciens nous fournissent des informations sur les besoins exacts et les données, ce qui nous permet de développer des prototypes que nous testons à notre tour avec leur aide.

De quoi s’agit-il, par exemple ?

Avec le neurochirurgien Raphael Guzman de l’hôpital universitaire, nous développons par exemple un neuroendoscope qui possède plusieurs articulations, qui est facile à man½uvrer et dont on peut modifier la rigidité. Là où l’on ne veut pas blesser les tissus, l’endoscope cède, là où il doit être utilisé efficacement, il se raffermit. Il doit donc se comporter comme un doigt humain et donner un feedback haptique, c’est-à-dire indiquer au chirurgien la nature du tissu.

Combien de temps faut-il pour qu’un tel produit soit mis sur le marché ?

Nous comptons environ dix ans entre le premier concept et la mise sur le marché. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup d’étapes de développement derrière : Analyse des besoins, conception, prototype, test, nouveau prototype, test et ainsi de suite. Pour notre robot de rééducation ’The Float’, nous avions à l’époque réussi à mettre l’appareil sur le marché en six ans environ.

Bâle offre donc de nombreuses possibilités de collaboration. Qu’en est-il au-delà de Bâle ?

Grâce au Pôle de recherche national en robotique (NCCR Robotics), financé par le Fonds national suisse, les roboticiens en Suisse ont pu se mettre en réseau de manière satisfaisante. Le programme s’est toutefois terminé en novembre 2022, après douze ans, et nous essayons maintenant de développer la collaboration des roboticiens en Suisse avec un réseau national soutenu par Innosuisse et appelé NTN Innovation Booster Robotics. La recherche académique n’est pas la seule à y participer, l’industrie aussi. Il serait également souhaitable que la politique y soit davantage représentée afin de se sensibiliser aux besoins dans le domaine de la robotique en général et, bien sûr, de la robotique médicale en particulier.

Que faudrait-il pour que Bâle soit mieux connue du public en tant que site de robotique ?

La communauté scientifique est tout à fait consciente que Bâle est un site de recherche en robotique. Nous nous efforçons d’introduire avec succès des systèmes dans les cliniques, afin que la population suisse pense à Bâle aussi rapidement qu’à Zurich ou Lausanne, par exemple, lorsqu’elle évoque la robotique.

Georg Rauter est professeur associé de robotique chirurgicale au département d’ingénierie biomédicale de l’Université de Bâle depuis mars 2022. Auparavant, il occupait déjà depuis 2016 un poste de professeur assistant dans le cadre du projet Miracle (Minimally Invasive Robot-Assisted Computer-guided LaserosteotomE), qui a été financé pendant cinq ans par la Fondation Werner Siemens. Il propose régulièrement des visites guidées de son laboratoire aux personnes intéressées.