Plus il y a de camarades de classe à l’école, plus le salaire des femmes est élevé plus tard

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 (Image: Pixabay CC0)
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Les femmes gagnent plus si, enfants, elles ont majoritairement fréquenté les bancs de l’école avec d’autres filles. C’est ce que montre une étude menée par l’Université de Bâle et l’Université de Durham sur la base des données de 750 000 élèves.

Les hommes et les femmes devraient gagner autant. Or, ce n’est pas le cas ; les femmes exercent d’autres professions que les hommes et gagnent également moins. Ce ’gender gap’ doit être éliminé, selon l’opinion courante. Mais la manière dont il se forme n’a pas encore été entièrement élucidée. Une étude basée sur des données suédoises s’attaque à ce problème. Les résultats suggèrent que l’environnement social a, dès les premières années, une grande influence sur le parcours professionnel et le salaire.

Selon cette étude, les filles bénéficient d’une composition de classe qui leur est favorable pendant la scolarité obligatoire, c’est-à-dire entre 6 et 16 ans. L’étude montre que : Plus il y a de filles dans une classe, plus le salaire ultérieur des femmes est élevé et plus le ’gender wage gap’, c’est-à-dire la différence de salaire entre hommes et femmes, est faible.

C’est ce que montre l’analyse des données d’Armando Meier de l’Université de Bâle et de son co-auteur Demid Getik de l’Université de Durham. Pour leur étude, les deux chercheurs ont analysé les données de plus de 750 000 élèves qui ont terminé leur scolarité primaire en Suède entre 1989 et 2002. Les chercheurs publient leurs conclusions dans la revue spécialisée ’American Economic Journal : Economic Policy’.

L’écart salarial se réduit de 2,7 pour cent

Selon l’étude, les filles des classes dominées par les femmes ont de meilleures notes et suivent plus facilement des carrières considérées comme ’typiquement masculines’. Ainsi, elles choisissent plus souvent une spécialisation en sciences naturelles ou techniques au lycée et travaillent plus souvent plus tard dans des domaines professionnels dominés par les hommes.

A l’âge de 30 ans, les femmes qui étaient dans une classe avec 55 pour cent de filles gagnent environ 350 dollars de plus par an que les femmes dont la classe comptait 45 pour cent de filles. Au regard du Gender Wage Gap, cela signifie une réduction de 2,7 pour cent de la différence de salaire entre les sexes. Mais les femmes ne gagnent pas seulement plus parce qu’elles travaillent dans des secteurs où les salaires sont généralement plus élevés. Elles gagnent également plus au sein d’un même secteur que les femmes issues d’un autre milieu scolaire.

Le fait que l’environnement scolaire influence les notes et la suite de la formation n’est pas nouveau. Mais jusqu’à présent, il n’était pas clair dans quelle mesure les rapports entre les sexes dans une classe d’école avaient un impact sur le choix professionnel à long terme et sur le salaire’, explique Armando Meier, professeur d’économie politique. Notre analyse montre que le rapport entre les sexes a une influence causale sur le parcours éducatif et professionnel ultérieur ainsi que sur le revenu." Des facteurs tels que l’environnement familial, les aspects socio-économiques ou le propre sexe ne peuvent pas expliquer les résultats : La proportion de filles dans les classes est la seule caractéristique distinctive.

L’ensemble de la population comme base de données

La Suède se prête donc particulièrement bien à l’analyse, d’une part parce que les données sont disponibles pour l’ensemble de la population sur une longue période. D’autre part, l’enseignement primaire dure de 6 à 16 ans. Les mêmes conditions s’appliquent donc relativement longtemps à tous les enfants et adolescents, explique Armando Meier. Une spécialisation n’a lieu qu’à la fin de la scolarité obligatoire. De plus, la composition des classes est pour ainsi dire aléatoire et penche tantôt en faveur de la proportion de filles, tantôt en faveur des garçons.

Les femmes profitent le plus de cet effet lorsque la proportion de filles dans leur classe est de 55 pour cent ou plus", explique Meier. On ne peut que supposer quelles en sont les raisons. Il pourrait y avoir moins de violence et un autre comportement de rivalité dans les classes dominées par les filles. Il existe une littérature psychologique sur ces aspects, mais nos données ne permettent pas de tirer des conclusions plus détaillées", explique Armando Meier.

L’effet de réseau pourrait également jouer un rôle, suppose l’économiste : les filles issues de classes dominées par les femmes ont souvent fréquenté les mêmes écoles secondaires et universités et ont ainsi bénéficié de contacts à long terme qui peuvent leur être utiles dans leur vie professionnelle.

Mais dès que les filles en profitent, cela a un effet négatif sur les garçons", explique Meier. A partir d’une proportion de 55 pour cent de filles, on constate un effet négatif pour les garçons en termes de revenus ultérieurs.

La société dans son ensemble en profite

Armando Meier pense qu’il faudrait donc revenir à des classes séparées par sexe pour améliorer l’égalité des chances sur le marché du travail : Si l’on donne la priorité aux perspectives professionnelles, cela pourrait être une conclusion possible. Mais il s’agit aussi de promouvoir les compétences sociales à l’école’. Il pourrait toutefois être intéressant de séparer les classes dans certaines matières, comme on le voit parfois en Suisse dans les cours de sport. Des études psychologiques montrent par exemple que dans un environnement dominé par les femmes, les filles estiment que leurs capacités en mathématiques sont meilleures et qu’elles obtiennent de meilleures notes.

Les conclusions de l’étude mettent en évidence l’importance de poser les jalons d’un monde du travail égalitaire dès le système éducatif - un gain pour l’ensemble de la société.

Publication originale

Demid Getik et Armando N. Meier
Les effets à long terme du genre sur le tri professionnel et l’écart salarial
American Economic Journal : Economic Policy (2024), doi : 10.1257/pol.20230251