L’IA détecte les changements de comportement chez les personnes âgées et améliore la qualité des soins

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Les changements dans la consommation d’énergie peuvent permettre aux soign
Les changements dans la consommation d’énergie peuvent permettre aux soignants d’aborder plus facilement les changements de comportement et d’améliorer ainsi la prise en charge. ©hslu_Judith Wirth

Avec l’âge, les changements sont souvent insidieux. Un indicateur : notre consommation d’électricité. L’application web "CleverGuard" peut aider les proches ou les soignants à remarquer les changements et à en discuter avec les personnes âgées qu’ils accompagnent. Cela favorise la relation et améliore la sécurité.

Les proches des personnes âgées connaissent l’inquiétude, surtout lorsque les parents ne vivent pas à proximité : Est-ce que je remarque au téléphone si ma mère devient plus fragile et a besoin d’aide au quotidien’ Et si une démence se développe chez mon père, qu’il parvient encore à dissimuler lors de mes visites’ Les aidants professionnels savent eux aussi qu’ils obtiennent souvent des réponses enjolivées lorsqu’on leur demande comment ils se sentent, ou que les seniors ne perçoivent parfois pas eux-mêmes un changement insidieux. C’est pourquoi une équipe de chercheurs de l’iHomeLab de la Haute école de Lucerne a développé la webapp "CleverGuard" dans le cadre du programme européen AAL (Active Assisted Living) - en collaboration avec des professionnels de l’accompagnement et le fabricant d’appareils de mesure de l’énergie Clemap, au sein d’une équipe internationale. Grâce à ce système, les écarts à court et à long terme par rapport à la routine quotidienne peuvent être plus facilement remarqués à l’aide de la consommation d’énergie et de l’apprentissage automatique.

Une offre de discussion

La solution repose sur un petit boîtier discret qui peut être placé sur demande dans la boîte à fusibles et qui peut lire la consommation d’électricité à la seconde près. Le boîtier transmet les données de manière cryptée à un serveur externe. Le partenaire du projet, Clemap AG de Zurich, évalue ensuite ces données sur ses serveurs et intègre les résultats dans une application web. Celle-ci crée un diagramme intuitif et facile à lire qui montre si et quand il y a eu des écarts au cours de la journée par rapport au comportement de la dernière fois. L’application ne fournit pas d’interprétation - elle doit plutôt offrir une base de discussion pour les proches et les soignants. Il y a peut-être des explications évidentes : La consommation d’électricité nocturne a soudainement baissé parce que les Jeux olympiques étaient terminés et qu’il n’y avait donc plus de raison de regarder la télévision la nuit. La grand-mère a acheté un AG et profite désormais davantage de ses journées pour faire des excursions ; il n’y a donc aucune raison de s’inquiéter. Ou peut-être qu’en discutant, on se rend compte que l’état physique ou psychique a changé.

Limites et opportunités

Dans une maison de retraite en Belgique, il s’est avéré que ce sont justement les discussions motivées par CleverGuard qui ont été le grand bénéfice. Certains résidents avaient participé au test de l’application, mais étaient tout de même sceptiques au départ. "Aha, Big Brother is watching you", c’est ce qu’un accompagnateur a parfois entendu lorsqu’il s’est rendu le matin chez quelqu’un dont le diagramme de consommation d’électricité montrait un écart marqué. Mais avec le temps, les résidents et les soignants ont fait une constatation étonnante : "Les conversations ont gagné en profondeur parce qu’elles avaient un motif concret et donc plus de contenu qu’une conversation générale", explique Andrew Paice, le directeur du iHomeLab de la Haute école de Lucerne. Cela a facilité l’identification des besoins changeants, indépendamment de la consommation d’électricité.

En Suisse, "CleverGuard" a été testé dans un autre contexte, ce qui a également mis en évidence les limites de l’application. Le partenaire était Vicino Lucerne. L’association soutient les personnes âgées avec différentes offres afin qu’elles puissent vivre le plus longtemps possible chez elles de manière autonome et en toute sécurité. Fredy Blättler, coordinateur chez Vicino Lucerne, a constaté : "Nos participants étaient probablement trop actifs - les modèles de consommation d’électricité n’étaient pas significatifs, car les participants, en tant que retraités actifs, organisent chaque jour différemment". Il s’agit là aussi d’un acquis important du projet de recherche : "CleverGuard est le plus utile là où les personnes se trouvent au seuil de la vieillesse active vers la vieillesse fragile", constate Andrew Paice. Il s’agit de remarquer les changements de comportement à long terme et de déterminer plus précisément s’ils sont liés à une détérioration de l’état de santé. Il voit par exemple comme domaine d’application les homes qui permettent une vie partiellement autonome.

CleverGuard en direct

Au Visitorcenter d’iHomeLab, il sera possible dès cet été de se faire une idée sur place du fonctionnement de "CleverGuard". Les personnes potentiellement intéressées pourront alors observer en direct le comportement de huit des personnes qui se sont mises à disposition pour les tests en Belgique et en Suisse - de manière anonyme, bien entendu. Les droits d’exploitation pour une commercialisation de CleverGuard sont détenus par la société Clemap AG de Zurich. Pascal Kienast de Clemap voit "CleverGuard" dans un cadre plus large : "C’est un projet exemplaire qui montre comment les données d’électricité des compteurs intelligents peuvent être utilisées de manière judicieuse non seulement en ce qui concerne le domaine de l’énergie, mais aussi dans d’autres domaines d’application". Et Andrew Paice se tourne déjà vers l’avenir : "Chez nous, à l’iHomeLab, il y a des idées pour d’autres projets de recherche sur cette technologie. Nous pensons que ses possibilités d’améliorer la prise en charge des personnes âgées ne sont pas encore épuisées".