
Toute personne allergique au pollen connaît les cartes de prévision pollinique graduées de rouge et de jaune de MétéoSuisse. Ces prévisions sont devenues stratégiques en matière de santé publique face aux pics historiques de pollen que connaît la Suisse, avec de nouvelles valeurs records enregistrées ce printemps. MétéoSuisse s’est associé à l’EPFL, à l’Université Technologique Nationale d’Athènes (UTNA) et à la Fondation pour la recherche et la technologie en Grèce (FORTH), afin d’élargir et de préciser ces prévisions. A la station aérologique de Payerne, de nombreux instruments ont ainsi été installés depuis le début de l’année. Leur déploiement simultané est unique au monde et a été soutenu par le Conseil européen de la recherche, l’un des programmes de financement les plus prestigieux, et par le projet «Pyrogenic TRansformations Affecting Climate and Health ( PyroTRACH )».

L’installation vise à détecter non seulement une plus grande diversité de pollen que ce qui est actuellement effectué - y compris à travers des travaux pionniers sur la télédétection par laser à la verticale, mais aussi d’autres facteurs à l’origine d’allergies et de stress oxydant, comme les spores fongiques, les bactéries, la poussière et les particules de fumée provenant de feux de forêt. Il vise en outre à améliorer les prévisions polliniques et celles concernant la formation des nuages.
Lidar produisant des mesures en 3D
Depuis le mois de mai, un lidar est installé dans le container-laboratoire de l’EPFL, près de l’entrée du bâtiment central de MétéoSuisse. L’instrument se présente sous la forme d’un laser pulsé dans l’UV, couplé à un télescope de réception et à des systèmes électro-optiques. Il détecte en temps réel la lumière qui est rétrodiffusée par les particules, et, pendant la nuit, la «lueur» que celles-ci génèrent lorsque le laser les atteint. Le spectre de couleurs qui en résulte fournit l’empreinte digitale unique qui permet d’identifier, par fluorescence, le pollen, les spores fongiques et les bactéries présents dans l’air, sans oublier les particules de fumée et la poussière. Il n’existe que quatre instruments de ce type en activité dans le monde, tous très expérimentaux. L’instrument de l’EPFL est le plus avancé en termes de capacités.
Les signaux du lidar sont captés toutes les 7 minutes, avec une résolution spatiale de 3,5 mètres et une résolution spectrale de 6 nanomètres, ayant une portée pouvant atteindre la troposphère libre, soit environ de 2 à 3 kilomètres d’altitude. De plus, ce lidar, doté d’un filtre spectral étendu, est capable de différencier les particules d’origine vivante (biogéniques) des autres, depuis le sol jusqu’à 4 à 5 kilomètres d’altitude, avec une résolution temporelle de 3 à 5 minutes et une résolution spatiale de 3,5 mètres, produisant des mesures en 3D. Ceci le différencie des mesures actuelles en 2D effectuées au niveau du sol.

Machine learning et analyse d’aérosols
Sur le toit de la station météo de Payerne se trouvent aussi de nombreux autres instruments monitorés par Sophie Erb, doctorante à MétéoSuisse et au Laboratoire de télédétection environnementale de l’EPFL, et Kunfeng Gao, postdoctorant au LAPI. Sophie Erb gère un appareil qui prend en photo les grains de pollen et les spores fongiques jusqu’à dix fois par seconde. Une fois reconstituées en 3D, ces images lui permettent d’entraîner une machine à les reconnaître, afin d’identifier le type d’organisme auquel le grain de pollen ou la spore appartient et d’améliorer et d’enrichir les cartes des prévisions.
Particules de fumée
Le lidar déployé par l’EPFL voit aussi d’où les particules proviennent et en évalue la quantité en temps réel depuis le sol et jusqu’ à 4 à 5 kilomètres d’altitude. En mai et en juin, l’instrument a par exemple montré que l’air helvétique était chargé de particules de fumées en provenance des incendies du Canada et des Etats-Unis. Plus récemment, ce sont les feux survenus en Allemagne qui ont embrumé l’air du pays. «L’impact de ces aérosols sur la santé est totalement sous-estimé à l’heure actuelle, il est donc absolument essentiel de mieux comprendre ce qui se passe», souligne le professeur Athanasios Nenes, directeur du Laboratoire LAPI, qui pilote ce projet de recherche suisse et européen. «Actuellement, nous sommes souvent aveugles sur ce qui se trouve au-dessus de nos têtes, surtout en ce qui concerne les bioaérosols et les particules de fumée.»