Autisme: une anomalie du système de récompenses à la base de comportements sociaux perturbés

Les troubles du spectre autistique constituent un groupe hétérogène de troubles neurodéveloppementaux ayant pour caractéristiques principales des altérations de la communication sociale ainsi que des intérêts restreints et des comportements répétitifs. Si les hypothèses visant à identifier les altérations des circuits cérébraux qui pourraient être responsables des troubles autistiques sont nombreuses, de récentes recherches émettent l’hypothèse d’une implication du système de récompense dans ces troubles.

Ce système cérébral, dont le rôle est de motiver à réaliser des actions en vue d’obtenir une récompense telle que les récompenses naturelles, comme la nourriture, mais aussi les interactions sociales. Un dysfonctionnement du système de récompenses, et donc de la motivation à interagir socialement, pourrait ainsi être à la base de l’altération du comportement social typique des troubles autistiques.

Mais quels sont les mécanismes neurobiologiques sous-jacents à certains dysfonctionnements sociaux? Serait-il possible d’identifier des stratégies thérapeutiques visant à pallier ces anomalies? Ce sont à ces questions que des neuroscientifiques des universités de Lausanne, Genève et Bordeaux, sous la direction de Camilla Bellone, professeure assistante boursière FNS qui a réalisé cette étude lors de son séjour au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, ont répondu. Des résultats, à lire dans Nature Neuroscience, qui démontrent pour la première fois que le système de récompenses est impliqué dans l’autisme. A terme, ils pourraient aider à détecter la maladie précocement, en observant grâce à l’imagerie cérébrale d’éventuelles dysfonctions au niveau des circuits composant le système de récompenses.

SHANK3, un gène clé pour les comportements sociaux
De nombreux cas d’autisme semblent être liés à une mutation ou délétion de SHANK3, un gène situé sur le chromosome 23 exprimé dans les synapses. Ce gène code en effet pour une protéine ayant un rôle central dans la structure et le fonctionnement des synapses, et le mauvais fonctionnement synaptique a été mis en évidence chez de nombreuses personnes souffrant de troubles autistiques. Une expression limitée du gène SHANK3 induit ainsi des modifications importantes dans les neurones produisant de la dopamine et du GABA, deux neurotransmetteurs responsables de réguler l’activité synaptique. Ces altérations entraînent alors un déficit dans les comportements sociaux.

«Si la délétion d’un gène entraîne des troubles du comportement social, serait-ce à cause du mauvais fonctionnement des circuits qui normalement sont responsables de maintenir, chez les individus, la motivation pour les relations à l’autre - C’est l’hypothèse que nous avons voulu tester», explique Camilla Bellone. «Nous avons donc utilisé un modèle animal dans lequel l’expression du gène SHANK3 a été diminué spécifiquement dans l’aire tegmental ventral, région clef du système de la récompense,pour en étudier les conséquences, tant au niveau cellulaire - dans les synapses - qu’au niveau du comportement social des animaux.» Et les scientifiques ont bien observé tant des altérations synaptiques que des comportements sociaux perturbés: si, de prime abord, les souris dépourvues de SHANK3 dans l’aire tegmental ventral se sont intéressées à leurs congénères, tant leur intérêt pour les autres souris et leurs interactions disparaissent très rapidement, démontrant ainsi leur manque de motivation à poursuivre la relation sociale.

Mieux comprendre pour mieux prendre en charge la maladie
Les neuroscientifiques ont ensuite fait un pas de plus : en injectant un modulateur d’un récepteur glutamatergique aux souris dépourvues de SHANK3 pendant leur phase de développement, ils ont observé une nette amélioration des fonctions synaptiques, neuronales et comportementales. «Au début de la vie, le cerveau, disposant encore d’une grande plasticité, répond plus efficacement aux traitements. Nos recherches ne concernent que les souris, et il n’est pour l’instant pas question d’appliquer le même traitement aux êtres humains. Mais notre étude montre bien qu’il est crucial de détecter les troubles autistiques le plus tôt possible pour intervenir lors de cette phase de développement», souligne la professeure Bellone.