Des chercheurs de l’EPFL ont découvert que les neutrophiles, un type de cellule immunitaire, peuvent aider les tumeurs du poumon à croître. L’étude est publiée dans Cell Reports, et a d’importantes incidences sur le traitement du cancer par immunothérapie.
Des neutrophiles au sein de tumeurs adénocarcinomes. À gauche, des neutrophiles dans une tumeur de souris sont colorés en brun ; à droite, des neutrophiles dans une tumeur humaine sont colorés en rouge (crédit : E. Meylan/EPFL)
Le cancer du poumon est la cause principale de décès associés au cancer. L’un des traitements les plus prometteurs pour ce type de cancer est l’immunothérapie, une stratégie thérapeutique qui tourne le système immunitaire du patient contre la tumeur. Depuis une vingtaine d’années, on apprécie l’effet d’une telle thérapie par le degré auquel des cellules immunitaires infiltrent la tumeur du poumon, ce qui est devenu par la même occasion l’indicateur principal du pronostic global d’un patient.
Les tumeurs du poumon, toutefois, finissent par s’adapter à de telles attaques et trouvent des voies pour s’en échapper, ce qui pose un problème. L’une de ces voies implique la protéine appelée « Programmed death-ligand 1 (PDL1) », que toute cellule tumorale exprime à sa surface. Lorsque des cellules immunitaires, comme par exemple les cellules T, attaquent la tumeur, PDL1 se lie à une protéine se trouvant sur la surface de ces dernières - une protéine appelée, elle, « programmed cell death protein 1 », ou PD-1. Cette interaction déclenche toute une cascade de réactions biologiques au sein-même des cellules immunitaires, étouffant leurs mécanismes de défense et les rendant ainsi inoffensives pour la tumeur.
Pour régler ce problème, des traitements par immunothérapie incluent souvent des médicaments qui bloquent PD-1, dans le but d’anéantir le mécanisme de dérobade des tumeurs. Mais ceci, malheureusement, n’a pas suffi. Il faut une connaissance plus étendue des circuits immunitaires actifs dans les cancers du poumon ; une telle connaissance permettrait non seulement d’optimiser mais aussi d’accroître l’efficacité des immunothérapies actuelles.
Les neutrophiles aident les tumeurs du poumon à se cacher
Dans cette optique, le laboratoire d’Étienne Meylan à l’EPFL a employé un modèle murin du cancer du poumon pour établir ce qu’ils décrivent comme étant une « signature immunitaire » de ce type de cancer. L’étude montre que les tumeurs du poumon peuvent être réellement aidées par les neutrophiles - les cellules immunitaires qui se trouvent habituellement à la première ligne d’attaque lors d’infections, de réactions allergiques, et d’asthme. En bref, les neutrophiles contribuent plutôt à la progression de la maladie qu’à sa régression.
Les scientifiques ont alors réalisé ce qui est connu sous le nom de « neutrophil depletion » (diminution neutrophile), une méthode qui consiste à étudier ce qui se passe dans une tumeur lorsque le nombre de neutrophiles est réduit. En diminuant le nombre de neutrophiles chez la souris, les chercheurs ont ainsi pu comprendre les effets que ces derniers ont sur les tumeurs du poumon lorsqu’ils sont présents.
Fait surprenant : la réduction du nombre de neutrophiles a induit une toute autre configuration du compartiment immunitaire de la tumeur du poumon avec une arrivée massive de cellules T. Ceci démontre bien que les neutrophiles aident réellement les tumeurs à se mettre à l’abri des cellules T - ce que l’on appelle « immune exclusion » (exclusion immunitaire). À l’inverse, la réduction des neutrophiles sensibilise les tumeurs aux immunothérapies anti-PD1.
« Puisque les neutrophiles sont importants dans la défense contre les pathogènes, il est peu probable que la réduction neutrophile devienne une pratique clinique, » dit Meylan. « En lieu et place, nous devons chercher à comprendre de quelle manière exactement les neutrophiles stimulent le développement des tumeurs du poumon.
Les neutrophiles aident les tumeurs à croître
Les données montrent aussi que la présence de neutrophiles provoque des changements au niveau des vaisseaux sanguins de la tumeur. Ces changements stimulent l’hypoxie incitant les cellules tumorales à produire une protéine appelée « Snail ». Ceci n’est pas insignifiant puisque l’on sait que la protéine Snail aide les cellules cancéreuses à résister aux médicaments, comme elle stimule la récidive de tumeurs et de métastases.
Les chercheurs ont trouvé qu’à son tour la protéine Snail stimule la sécrétion de la protéine Cxcl2, augmentant par là-même l’infiltration des neutrophiles. Le tout crée une boucle positive qui accélère la progression du cancer.
En résumé, l’étude montre que les neutrophiles stimulent la progression des tumeurs et peuvent même entraver les effets de l’immunothérapie chez les patients souffrant d’un cancer du poumon. Les auteurs parlent de « cycle vicieux » entre les neutrophiles et la protéine Snail, cycle qui finit par maintenir un microenvironnement des tumeurs favorable à la croissance tumorale.
«Les immunothérapies constituent de nouvelles options de traitement avec d’importantes réussites cliniques pour cette maladie dévastatrice, » dit Étienne Meylan. « Mais jusqu’à deux tiers des patients souffrant de tumeurs du poumon ne réagissent pas au traitement. Nous pensons que notre étude offre une explication à ceci ; la recherche de nouvelles voies qui sauront interrompre ce dialogue vicieux entre les neutrophiles et les cellules tumorales pourrait réduire la croissance tumorale et ainsi élever le pourcentage des patients bénéficiant d’un traitement par immunothérapie. »
Reference
Julien Faget, Svenja Groeneveld, Gael Boivin, Martial Sankar, Nadine Zangger, Miguel Garcia, Nicolas Guex, Inti Zlobec, Loïc Steiner, Alessandra Piersigilli, Ioannis Xenarios, Etienne Meylan. Neutrophils and Snail orchestrate the establishment of a pro-tumor microenvironment in lung cancer. Cell Reports 12 December 2017. DOI: 10.1016/j.celrep.2017.11.052
Des cellules immunitaires qui aident les tumeurs
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