Témoins spectaculaires de l’activité terrestre, les calderas sont d’immenses dépressions topographiques, semblables à des cratères à fond plat dont le diamètre peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres. Elles se forment suite à une éruption majeure, et voient parfois leur plancher s’élever de plusieurs centaines de mètres, voire d’un kilomètre, sous la pression du magma. Le phénomène, surnommé « résurgence de la caldera », a été observé à plusieurs reprises mais reste l’un des plus mal compris de la volcanologie : pourquoi l’augmentation de la pression mène-t-elle à cette élévation du plancher plutôt qu’à une nouvelle éruption qui semble pourtant prévisible - Une équipe de chercheurs des Universités de Roma Tre, Italie, et de Genève (UNIGE), Suisse, montre que le magma restant de l’éruption originelle gagne en viscosité et forme une sorte de film qui empêche le magma injecté par la suite de s’échapper vers la surface. Une recherche à lire dans Nature Communications.
Les calderas se forment lorsqu’une chambre magmatique est partiellement vidée par une éruption importante et voit son plafond s’effondrer, entraînant un affaissement brutal du terrain en surface qui crée une sorte de grand chaudron. Dans un lent processus qui peut s’étaler sur des milliers d’années, leur plancher peut ensuite remonter sans que ne se produise de nouvelle éruption de grande ampleur. Le laps de temps trop important qui s’écoule entre la première éruption et la résurgence montre que ce n’est pas le magma résiduel seul qui provoque ce phénomène, mais bien une injection de nouveau magma.
Un «couvercle» pour la chambre magmatique
«Tout le magma n’est pas évacué lors de l’éruption qui a donné naissance à la caldera. Nous avons donc utilisé un modèle thermique pour déterminer comment ce magma résiduel évolue au fil du temps en fonction des variations de température, et quel rôle il joue dans le phénomène de résurgence», explique Luca Caricchi, professeur associé au Département des sciences de la terre de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Le contact de ce magma résiduel avec la roche moins chaude qui entoure la chambre magmatique fait progressivement baisser sa température, entrainant une augmentation de sa viscosité. Il forme ainsi une sorte de film qui agit comme un couvercle pour la chambre magmatique et empêche le magma nouvellement injecté de remonter, prévenant une éruption.
Les résultats obtenus par ce modèle thermique ont été corroborés par une approche expérimentale, dans lequel le magma résiduel a été remplacé par une couche de silicone et le nouveau magma par une huile végétale moins visqueuse. Le différentiel de viscosité entre ces deux éléments est équivalent à celui qu’on observe entre les deux types de magma. «Indépendamment de la profondeur de la couche de silicone, sa présence empêche systématiquement le nouveau magma, simulé par l’huile végétale, de remonter vers la surface», souligne Federico Galetto, chercheur au Département des sciences de l’Université de Roma Tre.
Valerio Acocella, Professeur associé au Département des sciences de l’Université Roma Tre, et l’un des auteurs de la recherche, ajoute: «Notre modèle fournit un cadre théorique essentiel non seulement pour expliquer la résurgence des calderas, mais aussi la formation des réservoirs magmatiques responsables des plus grandes éruptions survenues sur Terre.»
24 novembre 2017