Une réseau de cristaux pour la communication quantique longue distance
La physique quantique est le plus sûr moyen de garantir qu’une information n’a pas été interceptée avant d’arriver à destination. Ses lois permettent à une particule de lumière - un photon - de se trouver en même temps dans deux états distincts, comme une pièce de monnaie qu’on jetterait en l’air et qui montrerait simultanément son côté pile et son côté face. Cette superposition d’états cesse dès que le destinataire lit l’information, comme elle cesse pour la pièce lorsqu’elle retombe au sol : si le message est intercepté en cours de route, le destinataire final s’en apercevra immédiatement. Mais cette technique n’est opérationnelle que sur de courtes distances. Pour en accroître la portée, des chercheurs de l’Université de Genève ont développé un nouveau protocole basé sur un cristal qui émet sur demande de l’information quantique et permet aussi de la préserver pendant un temps arbitrairement long. Ces travaux, à lire dans la revue Physical Review Letters, jettent les bases du futur répéteur quantique.
La physique quantique est caractérisée par ses nombreuses propriétés intrigantes, dont la superposition quantique. «Pour envoyer une information sécurisée, nous diminuons au maximum l’intensité d’un faisceau lumineux afin d’obtenir une seule particule de lumière, dite photon, sur laquelle nous codons l’information à l’aide de bits quantiques, les qubits (analogue quantique du bit, noté 0 ou 1, qui sert d’unité élémentaire en informatique)», explique Cyril Laplane, chercheur au sein du Groupe de physique appliquée de la Faculté des sciences de l’UNIGE. «Ensuite, nous utilisons la superposition des états - qui permet à notre photon d’être dans deux états distincts simultanément - pour tester la sécurité d’une ligne de communication», ajoute-t-il. En effet, dès que l’information est lue, la particule perd ce double état et ne peut pas le retrouver. Si une personne intercepte le message avant sa destination finale et le lit, le destinataire du message le saura immédiatement.
La nécessité de créer un répéteur quantique
L’information n’étant encodée que sur un seul photon, il y a un risque élevé qu’elle se perde lorsqu’on recourt à des canaux de communication traditionnels, tels que la fibre optique, et ce risque s’accroît avec la distance. Pour une diffusion longue distance, il faudrait disposer de répéteurs capables d’amplifier et de rediffuser le signal. Il est cependant impossible d’utiliser ce procédé en physique quantique sans perdre la superposition des états. Les physiciens doivent donc créer un répéteur quantique qui non seulement envoie le signal, mais préserve aussi le double état du photon. Un véritable défi.
La solution se trouve dans le cristal
Jusqu?à aujourd’hui, les scientifiques utilisaient majoritairement des atomes froids, très délicats à manipuler, dans leurs recherches sur les répéteurs quantiques. «De notre côté, nous recourons à un cristal capable de mémoriser le signal sans le lire. Celui-ci a l’avantage d’être relativement simple à utiliser et possède le potentiel pour de très longs temps de stockage», expose Jean Etesse, physicien travaillant pour le même Groupe de physique appliquée à l’UNIGE. Ces cristaux sont capables d’absorber la lumière et de la réémettre plus tard, sans la lire. De plus, ils peuvent générer eux-mêmes des photons et les mémoriser, autorisant l’émission d’un message sur demande, puisque l’information est stockée dans le cristal avant l’envoi. Autre atout majeur, les cristaux permettent de miniaturiser les dispositifs.
Faire du cristal la source et la mémoire de l’information permet de grandement simplifier le protocole de répéteurs quantiques et ouvre la voie à un internet quantique. Les physiciens de l’UNIGE travaillent déjà sur la création d’un lien élémentaire de communication quantique. Les bases pour une communication longue distance de sécurité maximale sont posées.
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