Les bactéries commensales jouent un rôle protecteur de premier plan contre l’invasion bactérienne des muqueuses, principal point d’entrée des agents pathogènes microbiens. Les probiotiques pourraient être une alternative aux antibiotiques pour le traitement des maladies respiratoires.
Dans les organismes sains, les bactéries commensales vivant à l’intérieur de l’hôte sans lui nuire sont une barrière efficace contre les pathogènes bactériens. Une équipe de recherche de l’Université de Genève (UNIGE) a étudié le rôle du microbiote pulmonaire contre la colonisation par le pneumocoque, un pathogène humain responsable de nombreuses co-infections associées à la grippe. Les bactéries de la famille des Lactobacillus sont connues pour agir comme antimicrobiens et modulateurs du système immunitaire. Dans cette étude publiée dans la revue eLife, les bactéries Lactobacillus murinus (L. murinus) ont été identifiées dans le microbiote pulmonaire de souris par séquençage génétique et des techniques de microscopie avancées. Le traitement des souris avec L. murinus, après leur infection par le virus de la grippe A, a créé une barrière contre les pneumocoques. Les bactéries commensales qui résident dans les poumons pourraient ainsi être utilisées comme probiotiques pour contrecarrer l’invasion pulmonaire par des bactéries pathogènes.
La flore commensale, également appelée microbiote indigène, est un ensemble complexe de bactéries et de protozoaires, situé sous la couche superficielle de la peau et sur une grande partie de la surface muqueuse - tissu caractérisé par la présence de mucus comme le mucus nasal et le mucus bronchique. Ce microbiote est présent dès la naissance et entretient une relation commensale, c’est-à-dire une interaction biologique naturelle entre deux êtres vivants. Des études récentes montrent que le microbiote bactérien confère une résistance à la colonisation contre les pathogènes bactériens. «On sait déjà comment les bactéries commensales de l’intestin combattent les agents pathogènes», explique le co-premier auteur Soner Yildiz, postoctorant au département de microbiologie et de médecine moléculaire de la Faculté de médecine de l’Université de Genève. «Mais la manière dont les bactéries pulmonaires jouent ce rôle est moins claire».
Le microbiote pulmonaire sous la loupe
Pour combler cette lacune, l’équipe de l’Université de Genève a étudié le rôle du microbiote pulmonaire contre la colonisation du pneumocoque chez la souris. Le pneumocoque est une espèce de bactérie du genre Streptocoque, un important pathogène humain. Il est notamment responsable de nombreuses co-infections et aggrave le taux de mortalité lors des épidémies de grippe. L’équipe de recherche a découvert lors d’une précédente étude qu’une quantité importante de bactéries Lactobacillus, connues pour agir comme antimicrobiens et modulateurs du système immunitaire, existe dans le microbiote pulmonaire de souris saines. Dans leur dernière publication, elle a identifié ces bactéries commensales comme étant le L. murinus grâce an séquençage de gènes et à une analyse microscopique. Ces bactéries sont donc étroitement associées aux tissus pulmonaires des souris.
Une protection à large spectre
Lorsque des cultures de L. murinus sont exposées aux pneumocoques, la croissance de ce dernier est inhibée par la libération d’acide lactique. «Cette activité antibactérienne ne se limite pas au pneumocoque», explique le co-premier auteur João Pereira Bonifacio Lopes, doctorant à l’Université de Genève. «Elle a également affecté S. aureaus, un agent pathogène qui peut causer des infections du sang, des os et des articulations, ainsi que des pneumonies».
En traitant des souris avec L. murinus à la suite d’une infection par la grippe A, les scientifiques ont découvert que la bactérie constituait une barrière contre la colonisation par les pneumocoques chez les animaux. «Cela suggère que le microbiote pulmonaire pourrait être utilisé comme probiotiques pour contrer la colonisation du poumon par les bactéries pathogènes», conclut l’auteur principal Mirco Schmolke, professeur au Département de microbiologie et de médecine moléculaire de la Faculté de médecine de l’Université de Genève. «Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires avant que cela puisse être exploré comme traitement potentiel chez l’homme. Si elle s’avère efficace, cette approche pourrait améliorer les résultats cliniques pour les patients susceptibles de contracter des infections des voies respiratoires».
8 décembre 2020