Une piste génétique pour traiter le cancer colorectal

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(© Immagine: Istock)
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Des scientifiques de l’EPFL ont découvert la présence d’un gène rare dans certaines tumeurs de patients atteints d’un cancer colorectal. Sa détection pourrait permettre d’émettre des diagnostics plus précis, voire même, en ciblant la protéine qu’il exprime, ouvrir des possibilités pour un traitement personnalisé.

Le cancer colorectal (CRC), ou cancer du côlon est l’un des cancers les plus courants dans les pays occidentaux, touchant près de 4 500 personnes chaque année en Suisse, en particulier à partir de 50 ans. Malgré de grandes avancées ayant significativement réduit la mortalité au cours des dernières décennies, les scientifiques ont toujours du mal à comprendre les lésions moléculaires impliquées dans son déclenchement. Les diagnostics restent aujourd’hui problématiques, surtout parce que les symptômes apparaissent à un stade avancé de la maladie, et il n’existe pas de thérapie réellement efficace en cas de dépistage tardif.

Le cancer colorectal résulte de l’altération de l’ADN de certaines cellules de la muqueuse du côlon et du rectum, qui deviennent cancéreuses et prolifèrent dans l’organe, évoluant vers des tumeurs. En épluchant les données d’une étude danoise ayant analysé les tumeurs de plus de 300 personnes atteintes du CRC, des scientifiques du laboratoire de virologie et génétique de l’EPFL ( Trono lab ) ont récemment découvert l’existence d’un gène favorisant la croissance et les métastases de la maladie. Leurs résultats ont été publiés le 20 août dans Nature Communications.

C’est une découverte particulièrement intéressante et inattendue en biologie, une surprise que la virologie nous préparait.

Le laboratoire s’intéresse en effet aux transposons, ces cousins des virus qui se propagent dans notre génome depuis la nuit des temps et qui peuvent occasionnellement influencer l’expression de certains gènes. A l’aide de techniques d’analyses spécialisées centrées sur ces transposons, ils ont remarqué que l’activation aberrante d’un de ces éléments déclenchait l’expression du gène POU5F1B, et que ce phénomène était associé avec des tumeurs plus graves. « Nous savons à présent que si la tumeur d’un patient atteint du CRC exprime POU5F1B, il y aura de mauvaises conséquences. Le pronostic vital sera plus mauvais que celui d’un patient qui a une tumeur n’exprimant pas ce gène », explique Laia Simó Riudalbas, scientifique au Trono Lab et première auteure de l’étude.

Caractère oncogène

L’analyse des données de l’étude danoise a montré que cet oncogène était présent dans 65% des tumeurs cancéreuses, mais dans seulement 3,8% du tissu non-cancéreux adjacent. « C’est une découverte particulièrement intéressante et inattendue en biologie, une surprise que la virologie nous préparait. La fonction physiologique de ce gène qui n’existe que chez l’homme et les grands singes, si elle en a une, reste inconnue ». Pour expliquer son effet oncogène, les scientifiques du laboratoire soupçonnent que la protéine exprimée par POU5F1B s’associe à des protéines importantes dans la formation et la mécanique des cellules cancéreuses.

Outre les études in vitro sur des cultures de cellules, Laia Simó Riudalbas a démontré le caractère oncogène de POU5F1B avec des souris de laboratoire, auxquelles ont été greffées des cellules tumorales humaines exprimant ou pas le gène POU5F1B. « Il était très important d’utiliser des souris dans cette étude car il faut contextualiser la maladie pour répondre à des questions très concrètes. Les cellules cultivées in vitro sont fortement transformées, ce qui est très éloigné de ce qu’est une vraie tumeur : elle a perdu son environnement, ses stimuli hormonaux, etc. » Les expériences, comme toutes celles pratiquées en Suisse sur des animaux, ont été validées par les autorités vétérinaires cantonales et pratiquées à l’EPFL dans un cadre particulièrement régulé.

De prometteuses implications médicales

Les implications médicales de cette étude sont diverses. Premièrement, la détection du gène POU5F1Bdans la biopsie de la tumeur cancéreuse d’un patient pourrait justifier un traitement plus rapide et agressif contre la maladie. Ensuite, vu que la protéine exprimée par ce gène est très peu présente dans les tissus adultes « normaux », et que certains individus dans le monde en sont complètement dépourvus sans effet apparent sur leur santé, une thérapie ciblée pour l’inhiber est prometteuse. « Plus une thérapie est spécifique des cellules cancéreuses, moins grande sera sa toxicité. La prochaine étape est d’identifier des approches permettant d’inhiber POU5F1B» précise Laia Simó Riudalbas, qui souligne aussi que comme POU5F1B est exprimé dans d’autres types de tumeurs, un médicament développé dans le cadre du CRC pourrait s’avérer efficace chez des patients atteints d’autres cancers.

Laia Simó Riudalbas poursuit à présent ses travaux de recherche pour définir précisément les mécanismes par lesquels POU5F1B exerce sa fonction oncogène, et essayer de trouver un médicament qui la dégrade, la déstabilise ou l’inactive.