L’IA au service de la caractérisation du cancer du sein

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G.V. Shivashankar développe actuellement au PSI différentes méthodes de diagnost
G.V. Shivashankar développe actuellement au PSI différentes méthodes de diagnostic et de pronostic du cancer. L’étude actuelle laisse espérer une meilleure caractérisation d’une forme de cancer du sein. © Institut Paul Scherrer PSI/Markus Fischer
Des scientifiques de l’Institut Paul Scherrer PSI et du Massachusetts Institute of Technology MIT ont utilisé l’intelligence artificielle pour améliorer la classification du cancer du sein.

Tous les cancers ne se ressemblent pas. Certaines tumeurs évoluent très lentement ou stagnent et ne passent pratiquement jamais d’un stade préliminaire plutôt bénin à une forme potentiellement mortelle. Chez les hommes, le carcinome de la prostate est l’une de celles-ci. Chez les femmes, c’est le carcinome canalaire in situ , une forme précoce de cancer du sein dans les canaux lactifères. Abrégé DCIS (pour ductal carcinoma in situ ), il évolue dans 30 à 50 % des cas en carcinome mammaire invasif. Comme le DCIS est facile à soigner, les médecins recommandent généralement un traitement. Jusqu’à présent, il leur manquait cependant des points de repère pour décider, de façon fiable, quelle tumeur reste inoffensive et quelle tumeur va se muer en carcinome canalaire invasif (IDC, pour invasive ductal carcinoma ).

G.V. Shivashankar , directeur du laboratoire de biologie à l’échelle nanométrique du PSI et professeur de mécanogénétique à l’ETH Zurich, et Caroline Uhler, directrice de l’Eric and Wendy Schmidt Center au Broad Institute et professeure d’électrotechnique et d’informatique au MIT, ont lancé une nouvelle étude pour tenter de combler cette lacune. Les scientifiques ont développé une technique d’analyse des images en mesure d’évaluer de manière fiable le stade de la maladie grâce à l’intelligence artificielle. «Notre travail signe une approche à part pour identifier le stade du DCIS sur la base d’images, qui montrent comment l’ADN est emballé dans chaque cellule individuelle. Prélever les données nécessaires est facile et ne coûte pas cher», explique G.V. Shivashankar.

La décision thérapeutique, une source d’incertitude pour les femmes concernées

Environ un quart des diagnostics de cancer du sein sont le fait du DCIS. Chez les patientes, les cellules qui tapissent les canaux galactophores sont modifiées par rapport aux tissus sains; on constate souvent des microdépôts de calcaire. La maladie peut être traitée par des rayons, une hormonothérapie ou une opération. Dans la pratique clinique, les médecins utilisent la méthode dite de grading pour poser un diagnostic en cas de DCIS. Concrètement, ils classifient les mutations constatées selon une échelle de sept grades au total. Ils décrivent la taille du DCIS, l’apparence de chaque cellule cancéreuse, la présence ou non de ses noyaux cellulaires , si une hyperplasie (croissance) a eu lieu, si les cellules ont envahi les tissus voisins (invasif), si elles se sont propagées dans les cellules lymphatiques ou sanguines (agressif) ou si elles sont en train de former des tumeurs secondaires (métastatique).

L’évolution d’un DCIS vers une forme dangereuse d’IDC ne suit toutefois pas une voie toute tracée: 50 à 70 % des cas restent bénins. Mais comment savoir lesquels? Les scientifiques suivent différentes approches pour améliorer la fiabilité des pronostics. Une technique d’imagerie médicale complexe en fait partie, afin de déterminer des indicateurs du risque émanant d’une forme précoce de cancer sur la base des images. Une autre approche consiste en des analyses du transcriptome plus approfondies. Le séquençage doit permettre de déterminer combien et quels gènes sont actifs dans les cellules suspectes à un moment donné. Ces approches n’ont toutefois pas encore été testées dans la pratique clinique et ne sont guère praticables, car trop compliquées et coûteuses. Pour les femmes concernées, l’incertitude demeure au moment de prendre une décision thérapeutique. Elles sont en effet confrontées à un traitement qui peut non seulement être inutile, mais qui comporte également le risque d’effets secondaires.

L’IA améliore la détermination du stade DCIS

L’étude actuelle montre que le recours à l’intelligence artificielle (IA) peut améliorer la détermination du stade de la maladie grâce à des données qu’il est facile et peu onéreux de relever. L’équipe de scientifiques emmenée par G.V. Shivashankar et Caroline Uhler a soumis à un algorithme d’apprentissage 560 échantillons de tissus de 122 patientes. Ces échantillons avaient été traités avec le colorant DAPI , qui rend fluorescente la chromatine dans le noyau des cellules. La chromatine est entre autres constituée du matériel génétique ADN et de protéines. Son apparence permet de tirer des conclusions sur l’organisation et donc sur l’activité de l’ADN contenu dans le noyau cellulaire. Après une phase d’apprentissage, le modèle d’IA a identifié des motifs dans les coupes de tissus qui correspondaient aux différences identifiées par les pathologistes humains. «Notre analyse montre que les images de la chromatine, qui sont faciles et peu onéreuses à réaliser, fournissent - en combinaison avec de puissants algorithmes d’IA - suffisamment d’informations pour analyser comment l’état des cellules et l’organisation des tissus évoluent lors du passage du DCIS à l’IDC pour prévoir précisément le stade de la maladie», explique Caroline Uhler.

Les scientifiques estiment que cette combinaison d’IA et d’images de chromatine présente un grand potentiel de classification des tumeurs. Avant l’utilisation de cette méthode dans la pratique, de nombreuses autres études seront toutefois nécessaires afin d’attester la fiabilité et la sécurité de cette approche, et notamment l’observation, sur la durée, de patientes atteintes de DCIS.